Spoiler alert : je considère que vous avez vu le film si vous me lisez
J'ai du lire "Métaphysique des tubes" en classe de seconde, je crois.
J'avais pas vraiment aimé, j'avais pas non plus détesté. J'étais resté assez hermétique à toute cette histoire de bébé qui s'identifie à Dieu et j'avais du trouver l'écriture un peu prétentieuse. Je devrais peut être lui redonner une chance, il doit trainer dans un vieux carton d'affaires scolaires entre la flûte à bec maped et du papier à tout petits carreaux pour le cours de techno.
C'est donc uniquement guidé par les avis très positifs (notamment ceux de ma copine qui a très bon goût en termes d'animation), par les visuels et par la clim du ciné que je suis allé voir cette adaptation signée Maïlys Vallade et Liane-Cho Han (inconnus au bataillon).
Et je ne regrette absolument pas.
Pourtant, je flippais un peu au départ. Aïe aïe aïe, cette voix off irritante, j'espère que ça va pas être comme ça tout du long. Et puis doucement sur les métaphores, ça fait trop d'infos d'un coup.
Heureusement, le film se révèle rapidement très bien écrit. Le spectateur est totalement immergé dans les découvertes, les frustrations, les colères, les interrogations de cette petite fille autour de laquelle le monde semble tourner et pour laquelle les fleurs s'ouvrent.
Le cinéma d'animation est le parfait médium pour raconter cette histoire. Déjà, qu'est-ce que c'est beau. J'ai pensé à Rémi Chayé dans la salle et ma recherche google après la séance a confirmé mes soupçons : le réalisateur de "Tout en haut de ce monde" a occupé un rôle central dans les designs et les couleurs d'"Amélie". Les personnages ne sont pas fermés par de réels contours et se confondent parfois dans des paysages presque impressionnistes, faits d'aplats colorés. Ces choix esthétiques accentuent la porosité entre la réalité et le monde autocentré d'Amélie, un monde qu'elle peut faire et défaire à sa guise.
L'animation permet tout. Les réflexions d'Amélie s'incarnent à l'écran, comme des incursions fantastiques au milieu de la vie de cette famille d'expatriés Belges au Japon.
Ses colères sont des séismes, ses joies donnent naissance au Printemps, et le chocolat blanc lui donne le pouvoir de lévitation.
Le film prend d'ailleurs le parti, surtout dans sa première partie, de nous faire partager au plus près l'expérience sensorielle d'Amélie. Plans filmés à hauteur d'enfant, impact d'un poing rageur sur le sol, ou du corps contre une étagère.
Et puis, la petite Amélie a un charisme incroyable. Ses grands yeux verts hantent le spectateur longtemps après la séance.
Le montage est d'une maîtrise impressionnante. Nous sommes transportés d'une situation à l'autre dans une fluidité exemplaire.
Au delà de ses prouesses techniques, "Amélie" est très émouvant. Tout comme "Miraï ma petite soeur" d'Hosoda, il aborde de manière assez crue les incompréhensions d'un jeune enfant, ses instincts de violence ou de mort. Dans le cas d'Amélie, c'est carrément le monde qui se dévoile progressivement à elle. Or, passée l'excitation de son "entrée dans la vie" (par l'action du saint chocolat Belge), les perspectives effrayantes se multiplient.
Amélie est confrontée au deuil, à des parents débordés, à un frère ennemi, à la peur de la perte de l'amour.
Sa relation avec sa nounou Japonaise, particulièrement, est bouleversante.
Amélie passe de l'excitation de la découverte à la tristesse paralysante des réalisations, dans un tourbillon qui emporte le spectateur et ne le pose jamais.
"Amélie" livre aussi une réflexion compliquée : à un âge où la mort est à peine conscientisée, à un âge où un amour vital menace de disparaître pour toujours, n'est-il pas plus sage de décider de mourir plutôt que d'affronter une existence sans amour ?
Ce "suicide" est d'autant plus perturbant qu'Amélie est entourée d'une famille aimante, dans un cadre paradisiaque.
Pire, elle ne gardera quasiment aucun souvenir de ces premières années décisives, de ces traumatismes existentiels. Ironique, alors qu'elle apprend justement à surmonter le deuil de sa grand-mère par le souvenir.
"Amélie et la métaphysique des tubes" reste malgré tout d'une infinie douceur. Tout y est limpide, sécurisant.
Un petit bijou.
(ps : la BO est trop bien aussi)