Il est toujours un peu difficile, de notre point de vue actuel, de garder à l'esprit que le peuple allemand ignorait tout des camps d'extermination, pensant, comme le prétendait la propagande, que toutes ces personnes déportées l'étaient pour être envoyées travailler dans un est en pleine industrialisation, en besoin urgent et massif de main d’œuvre.
Fidèle à sa volonté de mettre en image les rouages de la grande histoire de points de vue individuels, Costa Gavras creuse ici un sujet de choix. D'un côté un chimiste pris dans l'engrenage nazi, trop compétent dans son domaine pour pouvoir éviter de mettre la main à la patte du gazage. De l'autre un pape dont le pouvoir politique et spirituel est réduit au silence par une menace claire et précise : celle de voir le Vatican écrasé et pillé par les fascistes et leurs alliés nazis. Le lien entre les deux sera un jeune jésuite, tentant de faire prendre position au pape.
Il est assez surprenant que ce soit Kassovitz qui soit le plus mis en avant lorsque l'on parle de ce film, son interprétation est très bonne mais bien moins centrale et touchante que celle d'un Ulrich Tukur tout en réserve pour un personnage piégé et révulsé par l'horreur dont il est le complice malgré lui.
La réalisation de Costa Gavras n'est pas aux sommets qu'elle a parfois atteint mais reste parfaitement à la hauteur, sobre et élégante, ponctuant son récit du passage des trains, dans un sens comme dans l'autre, habile manière de souligner que ce processus s'accélère au fur et à mesure du film.
Quelque chose sur ce dernier point m'a d’ailleurs beaucoup intrigué : les trains amenant les déportés partent vers la gauche et ceux vides, repartant en chercher d'autres, vers la droite, étrange puisque l'action du film est vue depuis l'Allemagne et que les déportation s'effectuent donc essentiellement d'ouest en est, il m'aurait semblé logique de filmer l'inverse. Du coup je me pose la question, mais on peut aussi juste me répondre "Et bas on a qu'à dire que la caméra était pointée vers le sud, hè couillon !"