Je suis étonné de la réception qu'a eu ce film. Pour ma part, je le trouve tout bonnement excellent.

Instant résumé, d'abord. En 1839 éclate une révolte à bord de La Amistad, bateau battant pavillon espagnol. Toute la cargaison, composée de noirs, massacre l'équipage, laissant vivre deux hommes pour manipuler le navire. Le bateau finit par être arraisonné par la marine américaine, les noirs emprisonnés. Très vite, de nombreux partis font valoir leurs droits sur la cargaison, mais la question se pose alors: qui sont les hommes et femmes dont il est question? Car s'il s'agit d'hommes nés libres, personne ne peut faire valoir un quelconque droit sur eux. S'engage alors une lutte sans merci entre abolitionnistes et esclavagistes, dont pourrait dépendre l'avenir des États-unis...

Amistad, c'est avant tout l'histoire d'une communication impossible. Tant Africains (car ce sont bien des Africains libres) que leurs défenseurs essaient d'établir un dialogue, forcément impossible. Et même lorsqu'ils dégottent un interprète valable, les référents culturels sont tellement différents que Cinque, porte-parole des Africains, ne parvient pas à communiquer avec son avocat. C'est John Adams, ancien président et fils de John Adams, le père fondateur, qui parvient à nouer le dialogue en revenant aux valeurs les plus fondamentales, celles-là même qui ont conduit Cinque à se rebeller et qui sont à la base du système américain, à commencer par la liberté, et la volonté de protéger les êtres chers. Tandis que d'autres des prisonniers, eux, découvrent l'imagerie de la Bible, et voient en Jésus un héros tels qu'on en rêve depuis l'Antiquité, et qu'on en crée encore: protégeant la veuve et l'orphelin, prenant sur lui la haine des autres pour permettre à d'autres de vivre libres, allant jusqu'au sacrifice ultime pour une faute qu'il n'a pas commis... comme eux, finalement. Amistad n'est pas tant un film sur la différence, mais sur la ressemblance, au contraire, comme dans cette scène où Cinque et son avocat tentent vainement de communiquer, mais disent la même chose, la seule barrière étant la langue; sur des idées qui transcendent toute appartenance à un groupe quelconque. À commencer par la justice.

Deuxième gros thème du film, la justice. Ce n'est pas vraiment une histoire de racisme, une fresque historique ou je ne sais quoi d'autre, c'est avant tout la lutte pour rétablir la justice là où elle s'est évanouie. Il est même à peine question d'abolition de l'esclavage, mais du droit de l'homme libre à lutter lorsqu'on cherche à aliéner sa dignité humaine. Finalement, on se fiche de savoir à qui appartiendraient hypothétiquement ces hommes s'ils étaient esclaves, le fait est qu'ils ne le sont pas. Dans ce cas, en tant qu'hommes libres, ils se sont battus contre ceux qui les avaient enlevés, traités comme des animaux, tués même. Un acte de légitime défense. C'est encore plus fondamental que la lutte contre l'esclavage, qui n'est pas le réel sujet du film, même si la question est traitée implicitement: parler de droits fondamentaux, et faire une différence entre hommes libres et esclaves n'a que peu de sens, on sent le changement dans l'air.

Finalement, c'est ça qui gêne beaucoup de monde dans ce film: on a envie de croire qu'il s'agit d'une fresque historique sur l'abolition de l'esclavage, et c'est en réalité un film juridique sur la dignité humaine et le droit de se battre pour soi-même.

Mais bon, soyons un peu objectif, le film n'est pas parfait, il accuse des longueurs et certains passages sont lourdingues, comme la musique qui accompagne chaque apparition de John Adams; on pourrait presque croire à la parodie tellement c'est ridicule.

Quant à la rigueur historique, j'avoue ne pas être un expert du XIXème siècle américain, toutefois j'estime que ce n'est pas si important que ça.

Un très bon film, très bien joué, très beau et doté d'une splendide musique (John Williams oblige).
Antevre
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Les meilleurs films de Steven Spielberg

Créée

le 15 juil. 2013

Critique lue 662 fois

1 j'aime

Antevre

Écrit par

Critique lue 662 fois

1

D'autres avis sur Amistad

Amistad
-MC
6

Some time a slave

Le grand Steven Spielberg ayant déjà pondu des films mythiques comme Jurassic Park, Indiana Jones, E.T. ou encore Les dents de la mer nous sortait en 1997 Amistad, et là j'me demande, comment après...

Par

le 10 mai 2015

9 j'aime

Amistad
VirginiA
5

Give us free?

Il y a d'indéniables moments de bravoure dans ce film : la première demie heure, intégralement en Mandé et Espagnol, le "passage du milieu" montré avec une précision quasi-didactique et édifiante, le...

le 19 févr. 2015

6 j'aime

Amistad
MassilNanouche
8

Critique de Amistad par Massil Nanouche

Parmi les oeuvres de Spielberg les plus importantes. Le sujet de l'esclavage est traité sous l'angle politique avec les prémisses de la guerre civile. C'est un très beau film. il ne dégage pas...

le 11 août 2015

4 j'aime

Du même critique

Non mais t'as vu c'que t'écoutes
Antevre
5

Critique de Non mais t'as vu c'que t'écoutes par Antevre

Youtube, c'est un peu la jungle. On y trouve tout et n'importe quoi. Si l'on s'intéresse plus particulièrement au domaine de ce que l'on appelle maintenant souvent les émissions web et les webséries...

le 1 avr. 2015

25 j'aime

5

Bleach
Antevre
7

Qui c'est qu'a la plus grosse épée? Hein? Hein?

Parler de l'anime Bleach est un peu douloureux. Tout simplement car on y trouve le pire comme le meilleur, que d'une part on aimerait pouvoir l'aduler pour certaines de ses qualités, mais que d'autre...

le 16 févr. 2013

24 j'aime

Marvel's The Punisher
Antevre
4

Critique de Marvel's The Punisher par Antevre

Grosse déception pour cette série, qui vend un produit complètement générique là où on aurait pu espérer avoir quelque chose qui sort des sentiers battus... Frank Castle est le Punisher. Après que sa...

le 18 déc. 2017

22 j'aime