Etre "fils de" dans le cinéma, c'est avoir l'avantage de rentrer plutôt facilement dans le milieu, si tenté qu'on ait un minimum de talent, mais c'est également le désavantage pour les cinéastes d'être comparé à leur parent, et d'être évalué en fonction de l'influence de ce dit-parent. La presse ne se gêne généralement pas pour répertorier les similarités entre père/mère et fils/fille. Pour la nouvelle génération, la question se pose alors : Faut-il différer du géniteur, tant sur la mise en scène que d'un point de vue scénaristique, et présenter une vision personnelle (comme Sofia Coppola) ou poursuivre l'héritage de la famille ? Antiviral, le premier long de Brandon Cronenberg rentre plutôt dans cette deuxième optique, se démarquant sur le plan de la mise en scène mais revenant aux thèmes chers de son paternel dans les années quatre-vingt. La presse ne s'est pas faite prier pour oser s'aventurer dans la facilité et le reproche de persister dans le même schéma que son père, qui a désormais laissé les thématiques cliniques et scientifiques de côté. Pour autant, il est dommage de rabaisser le travail de Cronenberg fils à la perspective de suivre la même carrière que son paternel. Antiviral ne ressemble pas similairement à un produit qui aurait pu être produit par l'imagination de Cronenberg père. Il fonctionne d'aileurs très bien indépendamment et c'est dans ce contexte que le film a été salué dans les festivals, saluant un premier long ingénieux.

L'organisateur du Festival Européen du Film Fantastique de Strasbourg avait évoqué cette phrase lors de la présentation du film : "On doit bien se marrer dans les repas de famille chez les Cronenberg". En effet, Antiviral retrouve pour autant le même goût pour les obsessions scientifiques, l'horreur organique, et la mise en scène glaçante. Certes, Brandon semble reprendre le flambeau laissé vacant par David, occupé sur des projets plus standards et moins "expérimental". Mais pour autant, David a du accorder sa bénédiction à son fils tant la trame narratif reprend ces thèmes avec un brio déconcertant et un point de vue malsain sur la tournure prise par la société et la vedettisation. Ajouté cela à la maîtrise d'un jeune cinéaste qui a su construire une identité clinique terrifiante à son premier long et vous obtenez un produit étonnant, audacieux et presque hypnotique.

Car outre, les dérives de la science, c'est la Star System qui est mis en cause. Antiviral interroge sur cette propension à vouloir être un fan, jusqu'à quelles limites. Et Brandon propose une société qui joue de cette réflexion et en profite pour accroître une rentabilité, qui naît du culte de l'image. Le film est le reflet d'une société déjà malade en soi qui tend à s'auto-détruire, s'abrutiser dans l'info-people, où les enterrements de célébrités sont diffusés en direct et suivis comme un événement sacro-saint. L'audace du scénario ancré dans une forme plus ou moins proche de réalité le rend fascinant à déconstruire, souffrant peut-être justes de quelques baisses de rythmes. Caleb Landry Jones ajoute une plus-value indéniable à ce film. Froid, distant, torturé, fragile, il captive et intrigue durant tout le film de par son empathie et le fait qu'il se retrouve malgré lui d'un système qu'il a essayé de piéger.

Et pour un premier long, Brandon Cronenberg s'entoure d'un joli casting, en l’occurrence CLJ, Sarah Gadon vu également dans le Cosmopolis de David Cronenberg et d'un caméo toujours aussi appréciable de Malcolm McDowell. Le jeune cinéaste s'entête à donner une véritable crédibilité à ce scénario pessimiste et maîtrise donc une photographie de manière excellente lui conférant une ambiance médicale très étrange et un ressenti glaçant sur l'ensemble de la société. La bande-son relativement conceptuelle mais adaptée ajoute une dimension unique au film.

Antiviral, c'est donc plus qu'un essai prometteur, c'est la promesse d'un réalisateur en devenir et un film intelligent, porteur d'un message terrifiant sur cette société où les dérives prennent des proportions malsaines. Une intrigue dans le ton de son paternel mais qui illustre pleinement la possibilité que Brandon Cronenberg est un cinéaste à suivre ces prochaines années, en parallèle de son père.
Softon
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le 2 juil. 2013

Modifiée

le 2 juil. 2013

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Kévin List

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