Licencier son patron
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le 14 mars 2025
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Filmer les coulisses de l’aide humanitaire, c’est déjà un projet passionnant. Mais cela devient essentiel lorsque ce regard se détourne du sensationnalisme pour adopter une posture froide, rigoureuse, sans pathos.
Il ne s’agit pas ici de révéler un scandale, ni de dénoncer des malversations comme le ferait un travail journalistique d’investigation, mais plutôt de rendre visible le décalage entre le drame vécu par la population haïtienne et la manière dont ce drame est représenté, organisé, pensé par l’Occident et le monde associatif face au séisme qui a touché l'île en 2010.
Les images parlent d’elles-mêmes : d’un côté, la mise en scène d’une aide humanitaire qui aime à se montrer, à se commenter, à s’auto-congratuler, souvent enfermée dans une logique quantitative et spectaculaire ; de l’autre, une population qui assiste à ce ballet, mais dont la reconstruction concrète reste au point mort.
L’un des grands mérites du documentaire est justement de déconstruire le mythe de la neutralité humanitaire. Peck ne filme pas des erreurs logistiques, il filme une structure politique. À travers des scènes d’une grande sobriété – réunions d’ONG, témoignages de fonctionnaires haïtiens ignorés, plans de reconstruction élaborés sans les Haïtiens – on comprend comment l’"aide" devient une forme de gouvernement sans légitimité démocratique, une délégation de pouvoir entre institutions internationales et ONG, excluant les premiers concernés.
En filigrane, ce que Assistance mortelle nous montre, c’est une sociologie de la dépossession : dépossession du politique, de la reconstruction, du discours lui-même. Les Haïtiens deviennent des figurants dans le récit de leur propre pays. Pendant ce temps, les conférences s’enchaînent, les fonds restent bloqués, les bâtiments provisoires deviennent définitifs… et rien ne change.
L’aide devient une machine autonome, tournée vers sa propre gestion, obsédée par la reddition de comptes, mais aveugle au réel.
Ce regard porté par Peck touche également à un point fondamental : le paternalisme structurel de l’assistance, qui, loin de permettre l’émancipation, reconduit un rapport hiérarchique où l’autre est maintenu dans la dépendance. Car le statut de victime nourrit aussi celui qui aide : il lui donne sa raison d’être, sa légitimité. Et dans cette logique, réduire la misère devient presque secondaire.
Certes, sur le terrain, les bénévoles sont souvent sincères, investis, bienveillants. Mais la structure les dépasse. Les conditionnalités des financements, les injonctions des grandes organisations internationales, les rapports de force géopolitiques… tout cela rend leurs actions éphémères ou inefficaces.
Cette inflation de coordinateurs, présidents, responsables, chefs de mission, en perpétuelle réunion ou en quête de visibilité, souligne l’absurdité de l’agitation humanitaire, surtout lorsqu’on la confronte à l’inaction réelle sur le terrain.
Oui, le film prend parti pour les institutions haïtiennes, souvent absentes des discussions les concernant, tenues à l’écart par la diplomatie mondiale. Mais il ne tombe pas dans l’angélisme : il aborde aussi les limites du pouvoir politique haïtien, les blocages, les arrangements, les désillusions internes.
Le constat est sans appel : l’aide humanitaire devient une drogue. À court terme, elle peut soulager, mais elle installe une dépendance structurelle. Elle remplace la politique, sans en avoir la légitimité. Elle administre, mais ne libère pas.
Et alors, une question centrale surgit : si un tel échec est possible à 1h30 de vol des États-Unis, avec des milliards d’aide, que peut-on espérer ailleurs ?
Dans un monde traversé par des risques globaux – catastrophes naturelles, crises sanitaires, conflits – que reste-t-il du mythe de la solidarité internationale ?
Raoul Peck, sans colère apparente, mais avec une précision implacable, nous donne une réponse brutale : rien ne change si ceux qu’on prétend aider ne sont pas ceux qui décident.
Créée
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