Dimanche 26 août. Mikkie et sa nièce, Sakuko, reviennent dans leur village natal, où cette première revoit son ancien amant, Ukichi, tandis que l’autre fait la connaissance de Takashi, neveu d’Ukichi et réfugié de Fukushima. Au sein d’une fin d’été habituelle, au milieu de balades à vélo anodines, Au revoir l’été transporte par son rythme régulier et nous chante en douceur la mélancolie d’un train de vie ordinaire.


La froideur relative d’une fin d’été ensoleillée


L’été a beau être la saison la plus solaire, les nuages ne sont jamais très loin, surtout en fin de cette période où les cours reprennent bientôt et où la froideur de chacun se fait de plus en plus ressentir. Dans ce long-métrage, un groupe marqué par un passé lourd se reforme le temps d’une semaine, et c’est bien les individualités qui resurgissent le plus autour d’histoires où chacun y est plus ou moins mêlé et où chacun assume plus ou moins cette partie de soi. À ces histoires du passé s’ajoutent celles du présent, celles qui se vivent et se créent mais où tout semble lié, ainsi on en vient à comprendre comment tous sont arrivés là où ils en sont. De là découle une autre histoire, celle des regards de chacun, suggérant une pensée qu’on ne saurait vérifier.
Par extension de ce jeu des regards, on en devine alors une vraie distance marquée entre chaque personnage, de par certes le mystère de chacun, mais aussi la mise en scène qui tend à les éloigner entre eux. C’est une caméra qui a du mal à cadrer les acteurs dans le même plan, chacun étant situé à une extrémité de l’image l’un de l’autre, qui appuie une séparation, certes tangible, mais jamais malsaine ; ou bien cela peut-être un croisement entre deux chemins qui prennent une direction différente, et où les personnages se séparent pour que chacun en prenne un. Et si le rapprochement de ce chemin matériel avec celui de la vie, immatériel, peut être effectué, le film le fait avec une telle intelligence qu’il ne force jamais cette métaphore, bien au contraire. Il montre des personnes qui se croisent, se réunissent, se regroupent parfois, mais qui peuvent aussi s’éloigner, tout simplement.


La mélancolie du train de vie ordinaire


On en vient ainsi à cette mélancolie du train de vie ordinaire, où chacun suit son chemin mais ne force pas le destin et accepte son dû. La douceur du regard par lequel sont montrées toutes ces actions en devient alors très importante, voire vitale, car profite d’une volonté d’objectivité, ou du moins d’objectivité formelle, constante sur ce qui est montré. En effet le choix de montrer telle ou telle action relève d’un choix subjectif, et c’est ainsi que le personnage du professeur parlant de ce type d’objectivité ressemble en quelques sortes au réalisateur Kôji Fukada, qui pose que ce qu’il raconte sera toujours vu par l’intermédiaire de quelqu’un, et qu’il y aura une sélection dans ce regard. Dans ce cas on suit le regard de Sakuko, mais aussi parfois de Takashi, à savoir un regard plein de jeunesse et d’incertitude sur le futur (ce qui, pour ce deuxième, est encore plus appuyé car il a dû fuir Fukushima après la catastrophe nucléaire), et c’est en partie la raison pour laquelle ils font une petite partie du chemin ensemble, mais finissent tout simplement par se séparer, en ayant suggéré une relation qui aura été attendue durant tout le film et qu’on n’aura pu qu’effleurer du bout des doigts, créant une irrésistible mélancolie.


Malgré un regard pessimiste sur la société japonaise polluée par le nucléaire, des faux hôtels ou l’occupation des téléphones dans le quotidien de chacun, Kôji Fukada ne dresse aucune morale ou aucun jugement, mais simplement un regard, certes averti, mais aussi objectif que possible. En commençant par Sakuko arrivant en train dans son village natal, et en finissant par cette jeune femme repartant, toujours en train, de ce même village, Au revoir l’été devient un film sur des flâneries entremêlées. Cela peut-être la découverte des sentiments amoureux (on n’en sait finalement pas tant que ça sur le passé sentimental de Sakuko et Takashi), ou leur redécouverte (concernant cette fois-ci les adultes), cela peut-être celle d’avant une période importante de sa vie (la prépa de Sakuko) ou celle d’après (le tsunami pour Takashi) ; il dessine un chemin de vie, où l'on passe, on s’arrête, mais on doit toujours repartir, et on ne peut rien y faire.

NocturneIndien
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le 30 juil. 2020

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