Le thème de l'invasion extraterrestre au cours de laquelle des aliens prennent l'apparence d'humains a donné lieu à de nombreux films. Deux me sont venus à l'esprit en voyant celui-ci : Hidden (1987) de Jack Sholder et le très étrange Under the skin de Jonathan Glaser. Deux films qui ont en commun l'idée de montrer l'incompréhension de notre monde, de nos valeurs et de nos relations sociales ou humaines par ces étrangers venus squatter nos corps.
Le film de Kiyoshi Kurosawa emprunte au premier son humour corrosif. Hidden mettait en scène un alien proprement incontrôlable, non seulement dépourvu de la moindre empathie pour les humains mais totalement étranger aux principes de moralité, de politesse et même de noblesse. Et pétri d'obsessions irrépressibles comme les Ferraris noires, le ketchup ou la gaudriole avec des blondes aux formes généreuses. La façon dont cette "sale bête" poursuit son objectif avec la plus grande assurance qui soit derrière l'écran de son déguisement ne manque pas de faire sourire. Eh bien, il y a de ça chez les trois aliens de Kurosawa. Ils découvrent au fur et à mesure qu'ils évoluent au milieu des humains, les éléments constitutifs de nos relations sociales, le ciment immatériel de notre civilisation : les briques de base, les concepts de Famille, de Propriété, de Solidarité... et les volent pour peu qu'ils les trouvent intéressants ! (Voler au sens propre puisque l'humain qui a le malheur de faire part de ce concept à l'un de ces envahisseurs s'en retrouve lui-même dépossédé, -l'extraterrestre dit alors "je le prends" - ce qui vaut d'ailleurs au film quelques scènes réjouissantes où des humains, libérés de l'entrave de ces valeurs, changent du tout au tout de personnalité). Mais à la différence de la chose de Jack Sholder qui est juste insupportable, les aliens de Kurosawa sont tout simplement désarmants de naïveté et de spontanéité "nous sommes venus envahir la Terre" assènent-ils en toute simplicité à qui veut les entendre.
Mais Avant que nous disparaissions n'est pas qu'une simple comédie. C'est aussi une histoire d'amour subtile entre une femme et un homme - son mari - transfiguré par la présence parasite de l'étranger pour le pire dans un premier temps puisqu'il semble régresser à tous niveaux (celle d'un alien qui n'y comprend rien à rien) avant de devenir plus attirant que ne l'était l’époux initial. Il y a là un petit jeu de poker menteur qui n'est donc pas sans rappeler la Scarlett "enravisseuse" d'Under the skin, qui lasse de traquer les hommes pour leur peau - littéralement- finit par être intriguée par ce sentiment inconnu de son espèce : le désir, l'amour. Une idée intéressante et assez bien exploitée par le réalisateur japonais qui donne aux films ses scènes les plus réussies.
Un film plein d'humour, un film mêlant lyrisme et nostalgie comme chez Kitano, un film très éloigné vous l'aurez compris des habituels thrillers humains vs extraterrestres auxquels la bande annonce essaie à tort de faire penser.
A découvrir.


Personnages/interprétation : 8/10
Histoire/scénario : 7/10
Mise en scène /réalisation : 7/10


7.5/10

Theloma
7
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le 17 mars 2018

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Theloma

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