Un blockbuster impressionnant, dépaysant, amusant et émouvant malgré son manque de subtilité

Si James Cameron était déjà connu depuis bien longtemps comme réalisateur de blockbuster repoussant les limites budgétaires pour s’imposer avec force parmi les films les impressionnants techniquement et au box-office, Avatar en est le fer de lance du début des années 2010. Avec ses chiffres extraordinaires d’un budget de plus de 400 millions de dollars et d’un box-office mondial dépassant les 3 milliards de dollars, c’est tout simplement un nouveau record établi à son époque et figurant très longtemps parmi les films plus chers et les plus grand succès de l’histoire du cinéma. Mais est-ce un simple divertissement grand public simplement plus gros que les autres, ou plus que ça ? Je vais apporter ma réponse dans cette critique pendant laquelle je vous recommande l’écoute de Becoming One with the People extrait de l’OST du film.


Le film, dans sa version longue, démarre sur une ville futuriste pourrie par les inégalités sociales, la loi du plus fort et l'environnement foutu en l'air et présente son héros masculin ancien marine très classique incarné par Sam Worthington à qui le rôle va très bien. Ses discours bateaux comme un marine est un marine à vie ne sont pas terribles même s’ils le caractérisent bien, mais il est surtout convaincant dans sa quête d'une nouvelle vie malheureusement limitée par sa paraplégie. Ça tombe bien la mort complètement expédiée de son frère lui offre un ticket pour l'espace, pour Pandora plus exactement, planète exotique mais dangereuse.


Mais si c'est un monde de danger c'est aussi la promesse d'une liberté retrouvée pour Sully qui peut à nouveau se tenir debout dans le corps d'un Avatar qu’il contrôle à distance, une créature humanoïde ressemblant aux natifs de la planète. C’est une liberté très grande mais éphémère et le film sait parfaitement le faire ressentir avec cette évolution du rythme de l’intrigue qui montre de plus en plus les phases de vie de Jake en Avatar plutôt qu’en humain, de la même manière que le personnage le ressent. Et s’il est d’un classicisme absolu de faire découvrir Pandora à travers les yeux d’un étranger qui en apprend autant que nous avec ses propres représentations comme le spectateur, c’est un procédé efficace car bien suivi ici.


D'abord émerveillé et parfois amusé par la découverte de Pandora à travers les yeux de Sully découvrant autant que nous ses richesses et ses mécanismes balançant quelques sarcasmes et touches d'humour ici et là pour garder ce côté divertissant du récit, c'est un très bon héros dans le sens où l'on peut s'identifier à lui, écrasé par ce nouveau monde qu'il apprend à connaître avant d'en être l'acteur principal comme on espérerait l'être. Ça apparaît clairement à mes yeux quand Sully pense que les choses s'inversent entre réalité et rêve à un moment où le scénario est lancé et que le spectateur est dans le bain.


Entre ses musiques aux sonorités tribales et aux orchestrations épiques, ses décors majestueux avec ses journées comme ses nuits resplendissantes dans des registres de couleurs opposés, ses créatures imposantes et variées faisant penser à une relecture de nos créatures préhistoriques… le tout avec une 3D et une technique révolutionnaire, à l'époque et même aujourd'hui Pandora émerveille à tout instant. Beaucoup ont emboîté le pas de la 3D mais si peu avec une telle maîtrise. On peut reprocher beaucoup de choses à Avatar mais pas ça et personnellement quand je vais au cinéma ou que je paye un blu-ray et qu'on m'immerge dans un monde magnifique à contempler pendant près de 3 heures, je retiens ça comme un sérieux point fort.


Si on a l'humanité d'un côté, les Na'vis de l'autre, ce sont les divisions internes dans chaque camp qui priment. On a 3 factions de notre côté à l’équilibre précaire avec le militaire, le financier et le scientifique. Sigourney Weaver a pas mal vieilli depuis sa lutte pour sa survie à bord du Nostromo, une légende vivante comme elle est qualifiée dans le film, mais incarne très justement ce modèle scientifique de curiosité intellectuelle dans une femme au caractère bien trempé qui n’en oublie pas d’être émouvante à l’occasion. Malheureusement, elle est la seule à être vraiment bien travaillée de ce côté-là, la jalousie qu’éprouve Norman envers Jake par exemple, qui réussit bien mieux que lui alors qu’il s’implique bien moins sérieusement, n’aboutira jamais sur quoi que ce soit.


Le colonel interprété par Stephen Lang incarne la force armée virile et intimidante qui n'a peur de rien, ne réglant ses soucis que par la force mais aucune critique de l'armée n'est faite puisque le film se sent obligé de faire très tôt la distinction entre militaires, se battant pour la liberté (absents du film), et les mercenaires qui ne font qu'obéir aux ordres sans se poser de question autre que leur paye à la fin du mois. Ça aurait été bien d’avoir un propos plus nuancé avec par exemple le colonel qui aurait sauvé la vie d’innocents au début du film, parce que c’est son job d’assurer leur sécurité après tout, de lui confier de vraies raisons d’en vouloir aux Navis comme une classique histoire de vengeance...


De la même manière, il n’est entouré que de brutes décérébrées qui sont juste-là pour être détestables sans trop de problèmes, dommage que ce ne soit pas plus subtil même si ça se justifie pleinement de par l’évolution du récit, qui se traîne tout de même quelques facilités scénaristiques comme Trudy libre comme l’air après avoir désobéi à un ordre direct lors de l’attaque de l’arbre maison. Le financier fait quant à lui d'abord la passerelle entre ses deux antagonismes, scientifiques et militaires, apprendre et se battre, pour mieux tirer profit des deux avec un petit homme parfaitement antipathique, ce qui est très exactement voulu par le film, présenté comme cupide, pas malin et facilement influençable. Là on peut vaguement en tirer un fond critique avec le but de la recherche du profit à tout prix qui n’amène pas à grand-chose de bon pour qui que ce soit.


Les Na'vis quant à eux forment une tribu rappelant énormément des indiens d'Amérique tiraillés entre ceux qui veulent communiquer avec les humains, leur apprendre leur façon de vivre pour les amener à l'accepter, représentés par Neytiri et ceux partisans du chacun chez soi et si frontières franchies alors armes brandies, représentés par Tsu'tey. Je grossis volontairement le trait évidemment pour bien faire comprendre le manque évident de subtilité déjà bien caractéristique du film, mais si ce n'est pas très profond, pas mal d'effort a été fait pour donner crédibilité et consistance à cette civilisation à travers leur propre culture, langue, religion...


Cette découverte progressive de l’univers se fait en parallèle de la romance entre Neytiri et Jake très prévisible mais aussi très cohérente et bien menée. Je trouve que l’alchimie entre eux fonctionne très bien, on comprend tout à fait le mépris qu’elle éprouve pour lui au début et comment cela s’inverse petit à petit avec cette complicité grandissante et ce respect mutuel concordant avec le changement de personnalité de Jake, qui devient meilleur en dépassant ses préjugés, en apprenant d’une autre culture et en tombant amoureux, c’est tout de même un beau message, trop à la manière de Pocahontas pour certain(e)s mais moi ça me va. Évidemment je n'ai pas fait le parallèle avec les indiens d'Amérique pour rien, Cameron assume parfaitement cette (trop ?) forte inspiration pour son scénario.


Avatar effectue un tournant majeur en milieu de parcours, la paix encore existante mais fragile entre humains et Na'vis prend fin quand les humains détruisent un site sacré ce qui motive Tsu'tey à contre-attaquer en détruisant les machines qui en sont responsables et les hommes avec. Cette scène de la version longue tend à nuancer par ailleurs le propos des gentils indigènes face aux méchants colonisateurs, puisque l’on voit des civils tués aveuglément par des Navis aveuglés par la haine, mais ça reste léger. S'en suit alors l'échelle vers la guerre avec quelques péripéties intermédiaires pour arriver à un déluge d'action sous fond musical épique avec un discours anti- colonialiste et écologique sans subtilité mais cohérent et efficace.


On peut toujours regretter quelques raccourcis scénaristiques faciles : Jake qui se fait reconnaître comme le sauveur d’un coup avec Toruk Macto, les flèches jusque-là ricochant sur les vitres des hélicos qui se mettent à les transpercer sans problème, des clans non évoqués jusqu’alors qui viennent en renfort, la nature venant d'elle-même au secours des Na'vis... où encore et surtout le personnage de Neytiri qui passe trop vite au second plan pour seulement suivre Jake mais la mise en scène apporte avec justesse l'intensité dramatique et les moments de bravoure pour conclure un blockbluster qui m'aura dépaysé, amusé, ému et emporté avec lui.


Le message manque peut-être de subtilité et d'originalité, la mode de la 3D suivant le film était peut-être dispensable, le succès commercial est peut-être un petit peu exagéré... mais j'apprécie très sincèrement ce film, ce n'est pas mon préféré de James Cameron, Aliens n'étant pas à oublier dans la filmographie du monsieur, mais je l'apprécie et je trouve qu’on le résume trop facilement à ses facilités et maladresses, que je reconnais sans problème bien sûr, en oubliant toutes ses autres grandes qualités.

damon8671
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le 19 août 2015

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