C'est la fin d'une première ère pour tous ceux qui ont grandi avec le MCU. Et pour les autres aussi. Alors, feux d'artifices, bière à gogo: C'EST LA FÊTE, C'EST LA FÊTE, C'EST LA FÊTE !!!


C'est du moins l'impression que l'on a en visionnant Avengers Endgame, véritable Fallout du MCU qui accumule les références (Interstellar pour Antman, I am a legend pour Captain America, Seul au monde/Seul sur Mars et surtout Big Fish pour Iron Man (1) et Retour vers le futur pour tous), les auto-références (à Avengers, à Thor 2, à Infinity Wars, aux Gardiens de la Galaxie 1 - et son admirable recul pris par rapport à une scène qui a inspiré la publicité d'orange -, au Soldat de l'hiver - et son excellent écart esthétique de la scène d'ascenseur-, par exemple).
Un film dans la veine du Fallout de Mission: impossible, à la fois film somme multipliant les références que film en poupées russes, défaisant et refaisant le monde à tel point qu'on ne sait plus très ce qui a existé et ce qui n'existe plus de ce que nous avons vu depuis dix ans...


Là où Infinity wars proposait une réelle menace permettant à l'univers de Marvel de se repenser dans la durée, doté d'un final inopiné, Endgame, comme son nom l'indique, cherche uniquement à mettre un point final à une ère, refusant de voir un potentiel plus présent que jamais, préparant assez logiquement une fin pour presque tous les héros de la première heure. On le sent crispé, forcé contraint à un tel aboutissement auto-imposé.


Il en résulte plusieurs bonnes trouvailles mais aussi plusieurs défauts.



Iron Man et Cléopâtre



Défaut majeur de nombre de films, souvent des volets de saga ou d'univers cinématographique, d'ailleurs, cette volonté de faire comme les grands et longs films des années d'or holywoodiennes, flirtant avec les 3-4h au compteur.
Endgame n'évite guère l'écueil, l'histoire ne justifiant pas réellement ce format que l'épique contemporain rendait pourtant si évident. Et ce parce que Endgame, si épique puisse-t-il être dans son final, n'est pas Cléopâtre.
Cléopâtre, c'est la belle pépite de 4 à 5 heures de long selon les versions du film née de la cuisse de Joseph L. Mankiewicz. On a souvent reproché sa longueur à ce chef-d'oeuvre. On pense bien souvent qu'il eût été meilleur en deux parties: une première partie consacrée à Cléopâtre et César, une seconde consacrée à Cléopâtre et Marc Antoine. Mais c'eût été refuser l'effort de recentrer le propos sur l'Egypte et sur la femme. Tout ce que prétend faire notre cinéma actuel qui, lui, ne fait que se soumettre aux lobbies de tous poils, comme le fait Endgame, d'ailleurs, et nous y reviendrons plus bas. Le but poursuivi par Mankiewicz était de ne pas livrer une simple tranche de vie de Cléopâtre mais d'en faire une fresque historique.
Endgame tente d'opérer de même mais se heurte à cela que le MCU a déjà raconté l'histoire de ses héros et que l'aspect fresque semblera à beaucoup de la pure nostalgie et du simple fan-service.
En réalité, le MCU aurait dû assumer ce monde post-Thanos comme l'ouverture à un règne post-apocalyptique où les héros doivent continuer à avancer, sachant que rien ne sera plus pareil. Car - à part pour certains d'entre nous, peut-être (2) - les événements survenant entre 2014 et 2019 ne sont pas survenus. Donc, à accepter une chronologie uchronique, ajoutons remplacer notre monde par une version alternative propre au MCU.
Ou bien, dans une optique d'acceptation de passage d'une ère à une autre sans changement majeur du monde, il eût fallu diviser le propos en plusieurs films. Car Endgame, c'est deux films en un qui tombent sur la fin en longueurs justifiées et justifiables. Mais longueurs néanmoins. Contrairement à Cléopâtre qui n'a de sens qu'unifiant ses deux grandes parties, Endgame aurait dû proposer une division en deux films: Captain America 4: Time War (ou America's Ass, mais le sérieux y aurait perdu ce que le clin d'oeil humoristique y aurait gagné, qui aurait traité de la quête des pierres dans le temps, faisant le le lien entre les deux parties d'Infinity War comme Civil War avait en son temps préparé le premier Infinity War) et Infinity War 2e partie, qui aurait achevé le récit sans faire ressentir de la longueur pour les conclusions aux vies de chacun ou de la trop grande brièveté pour le combat final essentiel.



Fins



Endgame, on l'aura désormais compris, c'est la fin de la plupart des arcs narratifs de la première ère du MCU.
Quid de ces fins, et surtout devait-ce être la fin ?


La fin d'Iron Man


Atttendue, prévisible, Downey Jr vieillissant et se lassant du rôle, devenant cher.
Cela dit, une fin bien trouvée, laissant partir le personnage ciment du MCU en grand vainqueur sur un boucle-bouclant: "Je suis Iron Man !"
Une mort qui survient au creux de l'action, après l'adoubement de Captain Marvel, de Spiderman et d'autres héros de la prochaine ère. Une mort après avoir pu échanger avec son père (qui hélas, en est à son troisième interprète, si bien qu'on peut ne pas le reconnaître de prime abord), la sagesse en plus, l'occasion pour le spectateur de voir d'où vient le nom de Jarvis. Une mort après l'expérimentation de la vie de famille simple et paisible. Iron Man est le héros qui aura eu toutes les vies, toutes les fins. Il n'aura pas été réduit à une et seule fin. (3).


La Fin du Captain America


A contrario d'Iron Man, le Captain connaît une fin en à côté, plus paisible, dans ce qui semble une resucée d'un épisode du Docteur Who mettant en scène les Anges pleureurs. C'est d'ailleurs ce choix qui donne le plus ce ressenti d'une fin que s'imposent les scénaristes, car elle survient quand plus rien n'est vraiment censé survenir.
Le sempiternel problème du récit de la séparation amoureuse: doit-on faire se retrouver les amants séparés ? Ou est-ce justement leur séparation qui fait leur beauté ? Comme Will et Elisabeth se retrouvent enfin en fin de La Vengeance de Salazar, détruisant le beau quoique triste final du troisième Pirate des Caraïbes de Gore Verbinski, Steve Rogers et Peggy Carter vont se retrouver et vivre ensemble jusqu'à la fin de leurs jours, effectuant la clôture de l'ère entière non sur un brasier mais sur un baiser.
C'est beau. Mais cela annule le beau de leur histoire passée. Et surtout, cela pose le problème des retrouvailles des amants séparés. Lorsque deux amants se retrouvent dans un conte de fées, dans un monde merveilleux ou dans l'après-vie, l'idéal s'y engouffre avec eux. Mais lorsqu'il s'agit de la vie quotidienne et bien réelle, ne passe-t-on pas de Titanic aux Noces rebelles ? Ou bien le voyage dans le temps apporte-t-il de ce merveilleux qui justifie l'idéal ?


La Fin du Hulk ?


Peut-on parler de fin ?
Car Hulk n'est pas mort et reviendra sans doute, trop essentiel.
Et pourtant fin à la façon de Captain America, les deux entités Banner-Hulk ayant réussi la plus parfaite des fusions.
L'idée n'est pas inintéressante, au contraire. Mais elle peut déranger, Hulk tirant avant tout son intérêt de sa fameuse dualité. On pense à cette blague: J'étais schizophrène, maintenant nous allons mieux...
D'autant que ce Hulk qui dabe, prend des selfies et signe des autographes, tient peut-être un chouya trop de la parodie.


La (quasi) fin de Black Widow et Hawkeye


Cette fin est la plus problématique.
Elle se fait le reflet de l'un des défauts du film et de Marvel en général.
D'abord parce qu'elle retire au sacrifice du gouffre de la pierre de l'âme toute sa saveur mystique: une âme pour une âme, mais n'importe quelle âme. Si ce n'est pas âne !
Surtout quand les annonces de préquelle pour Black Widow et de séquelles pour Clive Barton ont été depuis peu annoncées, que l'absence de but de Natacha est bien exprimée en début de métrage, que l'on sait pertinemment qui va sauter mais que l'on cherche à créer encore du suspens qui ne tient plus qu'à savoir comment le survivant qui veut se sacrifier va survivre ! Ce passage, pour se claquer sur le sacrifice de Thanos aurait dû prévoir un tout autre sacrifice, d'autant que la sacrifiée y perd en prestige, devenant l'égoïste qui laisse ses amis dans le deuil et dans le doute.
Quant à Hawkeye, il devient Ronin .... c'est à dire, un tout autre personnage. C'est donc bien une fin en soi. Stupide, mais une fin.



Les pépites de l'infinité



Les cartes Joker "Voyage dans le temps" et "Espace" flambées, que reste-t-il d'autre ?
Quelques belles pépites !


Le Bal des doubles


Si d'aucuns continueront à faire la fine à l'annonce de la carte du Dopplegänger, force est d'avouer que le thème du double est puissamment exploité, avec dosage et discrétion, ce qui le rend plutôt jouissif.
Ce double sert soit la remise en question quand on l'observe caché comme devant un vieux film de famille soit à la tension dramatique lorsqu'on l'affronte. Les doubles de deux époques n'ayant pas les mêmes connaissances ni les mêmes motivations, quand bien même sont elles aussi louables les unes que les autres cela apporte au film quelque chose de particulier.
Le summum résidant dans l'affrontement de Captain America avec lui-même qui cumule les deux intérêts déjà cités et une pointe d'humour de fin de combat plutôt sympathique.


Résurrections


Dans la logique du tour de passe-passe décrite par Christopher Nolan dans Le Prestige, la magie consiste à faire disparaître puis faire revenir.
Ainsi l'un des tours de force les plus réussis du film est incontestablement


la décapitation initiale de Thanos !
Un écart esthétique des plus impressionnants, mettant à mort l'antagoniste principal des deux films dans les premières minutes d'Endgame. Comment lutter contre l'action néfaste d'un adversaire mort dont l'outil de destruction n'est plus utilisable dans un sens comme dans un autre ?
C'est pour mieux le faire revenir en cours de film avec une philosophie modifiée par la réaction des Avengers à l'accomplissement de sa quête, ce qu'il considère vite comme un échec dû à une trop grande bonté. Certains y ont vu la simplification d'un personnage complexe et contrasté, on peut y voir la suite d'un raisonnement résultant de l'absence de sagesse de l'ensemble des protagonistes, bons comme mauvais et peut-être même des scénaristes, pas près à accepter la nuance qu'accordait à l'intrigue le synopsis d'Infinity War. Seul Iron Man partage la complexité de la pensée de Thanos un instant, laissant entrevoir une plus grande complexité. Mais la résolution simplifiante du noeud gordien n'est pas un défaut, c'est tout au plus un autre contraste de la pensée, tirant vers l'extrême.


Plus magique, cette réinsertion dans des fictions jugées plutôt jeunes de grands noms des succès des temps passés, seventies-eighties, à l'instar de Michelle Pfeiffer (Les Liaisons dangereuses, Batman:le Défi), Robert Redford (Les Hommes du président, Out of Africa ou L'Homme qui murmure à l'oreille des chevaux au côté d'une bien jeune ... Black Widow) ou encore Michael Douglas (Wall Street, Harcèlement), lequel ressuscite plus que ses comparses, apparaissant plus souvent rajeuni qu'âgé à l'écran. Certes, le trio avait déjà effectué son retour dans différents volets du MCU, mais c'est là une véritable réunion que nous n'attendions plus.
Et quel plaisir sadique de voir un Michael Douglas tout droit issu des 1970 et un Chris Evans tout droit tiré des années 2070 !



Age of Etron



Inlobbies War


Ce qui est plus agaçant, c'est de voir combien le MCU est l'instrument des lobbies en tous genres.
Il n'aura échapper à personne combien chaque héros doit avoir son équivalent de l'autre sexe, pour des raisons pures et simples de politiquement correcte: Ant-Man a sa Guêpe, Thor sa Walkyrie, Hawkeye/Ronin sa Black Widow, Dr Strange sa Sorcière Suprême et Iron Man fait le strike ou coup double avec Iron Woman et War Machine ! Que les sceptiques se tournent vers le plan des femmes en action qui n'a aucun équivalent purement masculin équivalent, ce n'est plus politiquement correct, c'est féministe ! Peu avant, c'est misandre, le pauvre petit Spiderman nécessitant l'aide de toutes les femmes de la troupes (et femmes exclusivement)! Cela, sans insister sur les passages de flambeaux de Captain america au Faucon, Iron Man à War Machine et Thor à Walkyrie. C'est un peu comme cet Idris Elba hurlant: "JE SUIS LE SUPERMAN NOIRRRRRR !" des premières images d'Hobbs ans Show, le spin-off de Fast & Furious. Oui, on a compris, il faut donner des rôles plus important aux pseudo-minorités auto-proclamées. Est-ce vraiment essentiel de le souligner à ce point ?
Si Endgame n'est pas Cléopâtre, il n'est pas non plus Fallout, et le plan "femmes au ralenti" rend moins hommage aux femmes que les élégantes cascades et scènes de combat d'Isla Faust, véritable icône féminine, forte, femme et égale du héros masculin.



Endcommentary



En conclusion, Endgame est un bon film, sympathique, distrayant et plutôt ambitieux. C'est un festival d'allusions, un magnéto des films passés, un beau bilan. Mais c'est un final un peu forcé, qui aurait pu être divisé en deux et donner une plus grande place aux héros de l'ère à venir.
De bonnes trouvailles, de la fantaisie, de la nostalgie, de l'ambition et de l'insouciance que rabaissent un combat final trop court, une soumission au lobbies et surtout moins de maturité qu'Infinity war.


                                                    ***

NOTES POUR LES NON SPOILOPHOBES


1


L'enterrement de Tony Stark a tout de celui d'Ed Bloom, entre le fleuve, l'ensemble des amis fantastiques et non fantastiques en recueillement par un grand jour radieux !


2


Je pense avant tout aux événements de 2015, attentats en tous genres.
Sur le plan personnel, et pour me livrer un peu auprès de ceux qui, comme moi, partagent l'idée que le spoiler n'est qu'une vue de l'esprit, j'ai effectivement rencontré un Thanos en 2014 et me suis parfois malheureusement reconnu en Thor dans ce dernier Avengers et rêve peut-être departager le destin de Captain America.
Toujours est-il que ce jeu de chronologie, s'il peut parler à l'individu ne parle pas à tout le monde, avec une telle adéquation.


3: Attention, gros spoiler !


Si l'une de vos amies, si votre copine, s'appelle Morgane, prenez garde !
Il s'agit peut-être de la fille de Tony Stark !

Frenhofer
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le 28 avr. 2019

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Frenhofer

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