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Toute vérité est-elle bonne à dire ? Vous avez 2 heures.
Un journaliste sur le point de révéler que l’accident d’Isabelle Reed était en réalité son suicide. Un père qui pense que son fils cadet a le droit de savoir la vérité sur la mort de sa mère. Un fils aîné qui s’oppose à l’avis de son père pour protéger son frère de cette cruelle vérité. Mais, ce même frère qui n’hésitera pourtant pas à avouer crûment à son jeune frère qu’il n’a « aucune chance avec cette fille », puisque le lycée est régi par « la hiérarchie de la beauté et des interactions sociales ». La vérité est dure à entendre.
Mais aussi, Isabelle, la défunte mère, cacha pendant des années à son mari qu’elle le trompait. Isabelle, reporter de guerre, était pourtant une fervente défenseure de la vérité, n’hésitant à capturer l’horreur de la guerre pour choquer les consciences. Jonah, l’aîné, trompe aussi sa femme avec qui il vient pourtant d’avoir un enfant. Conrad, le plus jeune des garçons, jure de ne jamais mentir à sa copine quand il en aura une. « Bonne chance », lui répond sarcastiquement son grand frère. Gene, le père tente aussi de se reconstruire et fréquente une autre femme désormais. Mais il ne faut surtout pas le dire au jeune Conrad, il ne le comprendrait pas.
Un tragique événement a amené cette famille de trois hommes à ne plus savoir communiquer, non seulement entre eux, mais aussi avec leur entourage. Le père n’a plus qu’un seul fils à s’occuper, mais il n’arrive pas à le faire parler. Le garçon de 16 ans reste muet, passe des heures dans sa chambre sur Call of Duty, n’arrive pas à exprimer son mal-être d’adolescent. La mort de sa mère le hante depuis maintenant 4 ans.
C’est bien cette peur de dire la vérité, de communiquer, d’affronter la réalité et surtout de blesser l’autre qui bouffe chacun au quotidien. Back Home est un film pesant. A mesure que l’histoire avance, on a peur que le drame survienne. La tournure finale que Joachim Trier donne à son film est superbe. La vérité surgit, de toutes parts, brutalement. On craint la réaction des personnages. Oui la vérité blesse nécessairement, d’autant plus qu’on prend du temps pour la dire ou la découvrir. Cependant, la vérité libère et fait paradoxalement un bien fou. Ici, elle rapproche même, alors que l’on craignait l’éclatement des derniers liens unissant cette fragile famille
Conrad, même s’il est jeune, semble déjà mature et semble déjà dans l’acceptation. Joachim Trier livre ici une vision de l’adolescence extrêmement juste à travers le personnage du plus jeune fils. Parce qu’au final, la relation difficile entre lui et son père, elle est assez universelle et pourrait très bien exister dans une famille sans drame de ce calibre. Non, ce n’est pas parce qu’un jeune de 16 piges passes son temps libre sur des jeux vidéo qu’il organisera forcément un Columbine bis. Conrad, il n’est pas très doué avec les filles, mais il sait profiter d’un simple moment avec celle qui lui plait. Il a la tête bien ancrée sur les épaules, loin d’être naïf. Il a un manque énorme depuis la mort de sa mère, mais sa tristesse ne fait en aucun cas de lui un frustré ou un ado bizarre. Conrad c’est un ado somme toute normal, qui n’a pas eu la même chance que les jeunes de son âge. Conrad, il se prend la vérité en pleine face. Il ne la comprend pas forcément, mais il l’accepte. Après une nuit blanche de tourments, il se met déjà en route, bien plus serein et confiant.
Alors, toute vérité est-elle bonne à dire ? Oh que oui.