Qui est le film ?
Ballerina, réalisé par Len Wiseman, s’inscrit en annexe de John Wick, dont il se veut à la fois un prolongement et une ramification autonome. Se déroulant entre le troisième et le quatrième chapitre de la saga-mère, le film promet d’explorer une trajectoire féminine dans ce monde ultra-masculiniste. Ana de Armas incarne Eve Macarro, danseuse formée à tuer, confrontée à la perte de sa famille et déterminée à les venger.
Que cherche-t-il à dire ?
En surface, le film épouse les conventions du revenge movie en lui injectant un discours féministe. Rooney, ballerine orpheline formée à tuer, devient l’incarnation d’un corps féminin conditionné par la douleur. Ce corps féminin meurtri, contraint, exécutant des gestes appris, interroge la place qu’on accorde aux femmes comme survivantes modelées par un système violent. Alors, Rooney ne tue pas pour régler une dette, mais pour chercher qui elle est dans ces geste appris.
Par quels moyens ?
Ballerina est un pari tenu dans la mesure où il accepte d’exister autrement que comme simple prolongement de John Wick. Il ne cherche ni à égaler la furie chorégraphique des épisodes principaux, ni à reproduire la mécanique virtuose du personnage de Keanu Reeves. Son ambition est ailleurs. Et c’est précisément en tenant cette ligne directrice ténue (entre film d’action et drame) qu’il affirme sa singularité.
Pour cela, Ballerina adopte une narration à la fois linéaire et fragmentée, rythmée par la quête de vengeance mais traversée de suspensions, d’instants où le récit s'efface au profit du ressenti. Ce n’est pas tant un thriller d’action qu’un film suivant le parcours initiatique de Rooney, où chaque étape est moins un rebondissement qu’un palier émotionnel.
Où me situer ?
Je sors du film partagé, intrigué. Il y a, dans Ballerina, un vrai désir d’inscrire un récit dans une autre rythmique que celle imposée par le canon Wickien. L’enjeu n’est plus de construire un super-tueur invincible, mais de documenter une fragilité stratégique, une sensibilité contrainte à la survie. Cette proposition, bien que parfois noyée dans les attendus du genre (explosions, hiérarchies codées, caméos symboliques), réussit à produire un effet de tension.
Ce qui me dérange davantage, c’est la difficulté du film à totalement s’émanciper de son origine. Certains détours scénaristiques semblent télécommandés, comme s’il fallait à tout prix rattacher Eve à une lignée, à un système, à un nom. Là où John Wick s’autorisait la sécheresse, Ballerina s’alourdit parfois de symboles redondants, de flashbacks superflus.
Quelle lecture en tirer ?
Ballerina ne révolutionne pas le film d’action, mais donne à voir le féminin comme axe de pensée. Ce que propose le film, c’est une reconfiguration des gestes, un autre rapport au pouvoir, à la douleur, au silence.