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Le nanar qui téton(ne) du début à la fin

On croyait avoir tout vu : les tétons en plastique, les répliques en carton, les super-héros en dépression. Puis Batman & Robin arriva, tel un iceberg fluorescent fonçant vers le Titanic de la dignité humaine. Ce n’est plus un film, c’est une avalanche de mauvais goût, un carnaval cryogénique où chaque plan semble avoir été supervisé par un décorateur cocaïnomane en pleine transe fluo.


George Clooney, d’ordinaire charme incarné, porte ici le costume comme un stagiaire mal payé porterait une mascotte de supermarché. Son Batman a la gravité d’un serveur qui aurait perdu son plateau. Il ne sauve pas Gotham, il sauve péniblement son contrat avec Warner. Quant à Robin, ce grand dadais colérique, il se comporte moins comme un justicier que comme un ado frustré parce qu’on ne lui a pas prêté la PlayStation. La dynamique entre les deux tient de la querelle de couple en scooter : "C’est moi qui conduis !" "Non, c’est moi !" Pendant que Gotham brûle, messieurs.


Mais venons-en au chef-d’œuvre d’absurdité : Mister Freeze. Schwarzenegger, recouvert d’ampoules LED et de peinture argentée, éructe des jeux de mots sur le froid avec la régularité d’un métronome givré. "Cool party !" "Ice to meet you !"… On croirait un calendrier de l’Avent où chaque case renfermerait un calembour pire que la précédente. Chaque apparition est une tempête de répliques si gelées qu’on prie pour qu’un radiateur explose dans la salle de projection. Ce n’est pas un méchant, c’est une fontaine à punchlines sponsorisée par Auchan Surgelés.


Et puis Poison Ivy, Uma Thurman perdue dans un concours de théâtre amateur. Elle minaude, elle ondule, elle déclame des phrases botaniques d’une niaiserie si dense qu’on pourrait en faire un compost pour fertiliser toute la Creuse. Bane, quant à lui, est réduit au rôle de parpaing musclé, grognant "BANE !" à chaque occasion comme si son vocabulaire se résumait au Scrabble d’un mollusque.


Le scénario ? Un cristal de glace fracturé en mille morceaux. Alfred, atteint du mystérieux "syndrome McGregor" (qui sonne davantage comme une nouvelle collection de whisky que comme une maladie mortelle), agonise tandis que Clooney sourit avec la constance d’une photo de mariage. Le tout baigne dans des décors dignes d’une discothèque de troisième zone où l’on aurait collé des statues géantes pour combler le vide scénaristique. Gotham n’est plus une ville : c’est un musée de cire en rave-party permanente.


La palme du ridicule absolu revient cependant à la carte de crédit "Batman Forever". Oui, Batman possède une carte bleue à son effigie. Et soudain, tout s’éclaire : ce film n’est pas une tragédie, c’est une pub Mastercard qui aurait mal tourné.


Mais voilà le paradoxe : ce naufrage cinématographique n’est pas seulement mauvais, il est jubilatoire. Chaque minute est un gag involontaire. Chaque phrase, une gifle de burlesque non désiré. Batman & Robin est un cataclysme de médiocrité si assumé qu’il finit par provoquer une forme de transe hilarante. On y rit comme on rit devant un ami qui glisse sur une plaque de verglas en se relevant avec dignité bafouée.


En vérité, regarder Batman & Robin, c’est accepter de plonger dans un congélateur géant, entouré de costumes pailletés et de métaphores ratées. C’est la quintessence du kitsch, le nanar olympique, le supplice devenu récréation. On y souffre, on y rit, et l’on sort de là comme après une soirée trop arrosée : la tête en vrac, mais avec des anecdotes à raconter pour le reste de ses jours.


Alors oui, Batman & Robin est une abomination. Mais quelle délicieuse abomination ! Un poème glacial où la médiocrité atteint la perfection, un nanar polaire qui brise les thermomètres de la raison. Un film qui vous gèle le cerveau… mais réchauffe le cœur des amateurs de ridicule.

Kelemvor

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