Vous pensiez sans doute que Batman Forever avait fait tout le tort qu'il avait pu au fameux Caped Crusader ? Vous étiez donc naïf au point de croire que la funeste passion de Schumacher allait libérer de ses serres avides Bruce Wayne et son alter-ego ? Halala. À peine deux ans après avoir encaissé son premier coup, Batman n'était pas au tapis, et Schumacher a décidé de lancer une suite. Nécessaire ? Nullement, mais le réalisateur semblait éprouver une fâcheuse envie de prolonger ses aventures aux côtés de Batman. Son obsession pour le superhéros est certes fascinante : tant de bonne volonté pour tenter de prolonger d'un héros dont, finalement, l'histoire cinématographique n'aura gardé qu'un énorme ratage, c'est pas mal. D'autant que de l'avis de chacun, Schumacher fut davantage le fossoyeur que le nouveau mécène. Enfin, nouveau projet, nouvelle équipe : Val Kilmer n'ayant pas très envie de remettre le couvert, c'est George Clooney qui prendra le masque à oreilles pointues pour affronter Mr. Freeze et Poison Ivy.

On lit ça et là que ce nouvel opus est sans doute meilleur que le précédent pour la simple et bonne raison qu'il assume totalement sa ringardise totale. Mouais. J'ai comme l'impression qu'il s'agit là d'une façon d'excuser la nanardise la plus totale dans laquelle s'enfonce progressivement la licence. Car si, en effet, le film ne semble plus faire énormément d'effort pour échapper au kitsch profond, je doute franchement que l'idée initiale de Schumacher eut réellement été de concevoir un bide énorme, critique et publique, du niveau d'une suite de Highlander ! Car oui, mes amis, Batman & Robin est sans doute à Batman le Défi ce que Highlander 2 est à Highlander premier du nom, bien que pour des raisons différentes. Ici, c'est sans doute simplement que Schumacher se fourvoie à peu près totalement sur la façon dont il veut absolument organiser son récit. Nan parce que bon, son idée de rapprocher autant que faire se peut le long-métrage du comics, avec cette vision d'artiste qui voudrait qu'un comics, c'est forcément flashy, eh ben, on peut pas dire que c'est une grande idée. Quand Tim Burton avait tenté de marier son univers, déjà bien gothique, à celui de Batman, ça avait fait des étincelles. Le bougre avait réellement fait un travail intime, avec une vision particulière des personnages, qui allait bel et bien dans le sens de leurs créations. Le souci de Schumacher, c'est qu'au-delà de l'impression qu'il donne de ne pas savoir de quoi il parle, on dirait qu'il essaie de faire une adaptation de la série des années soixante, plus que du comics qui, lui, a évolué.

Du coup, au menu, c'est blague potache non-stop. Non-stop. NON. STOP. Jamais. Aucun des personnages n'essaie d'être sérieux plus de deux répliques de suite. L'intro, à ce titre, est une sorte de désastre à retardement, avec plan sur le bat-butt et ajout de bat-tétons au costume - et un plan large sur le poitrail pour qu'on en admire le pointement ostentatoire. Puis c'est les répliques de la honte, les "je veux une voiture moi aussi, ça plaît aux filles !" et le manque total de motivation d'un George Clooney qui a l'air de savoir que le film va droit dans le mur et relit entre deux prises le contrat. Trop tard, George, mille fois trop tard. L'intro donc, où Freeze est torpillé cash, sans introduction, dans un décor qui sent bon le truc fait à l'arrache, avec son gang de hockeyers fringués chez Mad Max, enfin bref, on accumule les fautes de goût. Une petite course-poursuite/partie de hockey Team Batman vs. Team Freeze ? Non, ben tenez, prenez-en quand même, c'est Schumy qui régale. Incroyable. Comment peut-on rater aussi fort des situations et de l'écriture de personnages avec un univers qui regorge d'histoires ? Parce qu'en prime, si vous aviez aimé le Pingouin et Catwoman et que vous vous disiez que Freeze/Ivy, c'était plutôt prometteur, mais détrompez-vous. L'écriture des deux personnages est très réduite, autant dans le tragique qui habite Freeze que dans le combat très féministe et écologique de Ivy. Freeze fait le bourrin avec son horrible armure et Poison Ivy tortille du cul, super... Le comble, c'est quand Batgirl lui fera une petite leçon de féminisme, genre "tu donnes une mauvaise image de la femme", sans son costume designée par son propre oncle et qui, au lieu d'avoir un slip par-dessus ses collants, affiche sobrement un string. T'inquiète, rien de glauque.

C'est dommage. D'autant plus qu'il y aurait eu des trucs à sauver. Chris O'Donnell, avant sa transformation en dindon, était plutôt cool en Robin et son costume, qui évoque son futur rôle en tant que Nightwing, était sans doute le moins ringard. Mais vu le niveau de son personnage, difficile d'y croire. Je suis sûr qu'avec un peu de bonne volonté, George Clooney aurait pu faire un Batman convainquant. Et Uma Thurman aurait pu être la plus crédible des Poison Ivy. Bon, Schwarzy, là, je peux rien sauver, il a pas du tout la carrure de Victor Fries, donc ça va être tendu... mais comme j'adore l'acteur, m'en fout (je suis juste dég' qu'il ait refusé une suite de Conan pour ça, selon la rumeur). Quand à Alicia Silverstone, si, du haut de ses vingt printemps et de ses moues enthousiastes, elle peut avoir un intérêt, j'aurais sans doute aimé qu'elle campe une Barbara plus proche du comics. Ici, son personnage n'apporte qu'un subplot très inutile, et se comporte en love interest pour Robin sans qu'on sache si c'est bien glauque ou pas, puisqu'elle est censée être mineure. Alors avec le coup du bat-string pour souligner sa plastique, j'avoue que sa présence ne m'a pas enthousiasmé. Mais bon, de toute façon, ça ne pouvait pas marcher : une bonne partie de l'intrigue tourne autour du fait que Poison Ivy ait fait tourner la tête de ces deux gros nigauds de Batman et son acolyte et qu'ils se battent pour elle. Piouh. On tient un moment grâce à cette grosse blague. On sent que l'idée de Schumacher était de reproduire la dynamique du deuxième opus, avec une écriture plus "character-driven", comme le disent les ricains, où les personnages entraînent l'action, donnant un résultat organique - mais parfois décousu - au film. Enfin, ça, c'est dans le cas où c'est réussi, ici, c'est tout juste bon à tricoter des allers et retours de la part des personnages qui s'obstinent à être bêtes et à agiter les bras. Putain de film.

Je ne pardonne rien à ce dernier opus. Oh que non. Il a quand même enterré Batman pour huit ans avant qu'enfin on le redécouvre au cinéma. Et là, incroyable, c'est un succès. Pourquoi ? Peut-être parce que Nolan, comme Burton, avait une vision particulière du personnage et se destinait davantage à raccrocher le mythe du Caped Crusader à son propre univers qu'à tenter de glorifier une vision réduite et confuse de ce qu'est un comics. Là, Schumacher confirme simplement que, malgré tout l'amour qu'il peut bien vouer à Batman, il n'en comprend ni la signification, ni les enjeux, produisant ainsi une farce qu'au mieux on peut éviter, qu'au pire, on peut mépriser. Voire oublier.
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le 27 janv. 2015

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