Believer 2
5.2
Believer 2

Film de Baek Jong-Yeol (2022)

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Cinq après le Believer (2018) de Lee Hae-young sortait cette suite aussi ambitieuse qu’inégale, réalisée cette fois par Jong-Yeol Baek.

Alors que le premier film n’appelait pas nécessairement de continuité et nous laissait sur une fin tout aussi ouverte que marquante, Believer 2 se propose d’en développer plus loin l’intrigue, les personnages et les enjeux (un peu comme en son temps Infernal affairs fut développée en trilogie pour les mêmes raisons).

Non linéaire et bourrée de flashbacks, l’intrigue de ce second opus se présente comme un midquel : elle se situe entre le moment où Seo-young rak s’est enfui avec les jumeaux après avoir châtié Brian vers la fin du premier opus et sa conclusion polaire qui se déroulait après une ellipse de plusieurs semaines. Believer 2 se propose donc de combler cette ellipse.


Une façon d’offrir une nouvelle perspective à cette histoire de "guerre de la drogue" (ce que signifie le titre original Dokjeon 2) s’articulant autour d’un flic tenace et d’un jeune trafiquant coréens déterminés l’un et l’autre, et pour des raisons différentes, à coincer le mystérieux Monsieur Lee, trafiquant chinois sans visage et dont beaucoup dans le milieu et la police doutent de l’existence.


Une façon de rebattre les cartes aussi. Car si dans le premier opus, le personnage de Rak (incarné dans cette suite par Oh Seung-hoon, qui remplace curieusement le plus angélique Ryu Jun-yeol) semblait tout maîtriser et avoir un coup d’avance sur tous les autres, ici les choses semblent lui échapper dès l’entrée en scène de "la Lame" (Han Hyo-joo), une gangster chinoise présentée comme le bras droit de M. Lee.

Abandonné dans un état critique à la fin du premier film, Brian (le très bon Cha Seung-won), quant à lui, se retrouve désormais quasi-catatonique après la torture que lui ont infligé les jumeaux. Cela ne l’empêche pas pour autant de manigancer son propre plan afin de se venger et, surtout, de reprendre le contrôle du trafic. Toujours lancé sur les traces de Rak qui l’a dupé, l’inspecteur Won-ho (Jo Jin-woong), quant à lui, poursuit sans relâche son enquête, entrainant dans son sillage son partenaire. Mais, tout comme dans le premier opus, la culpabilité le poursuivra, condamnant cruellement le prix de son obstination, ou plutôt, de son obsession.


Si les multiples flashbacks du film altèrent le rythme de l’intrigue et que celle-ci pâtit d’un scénario faussement complexe, perdant parfois le spectateur entre les motivations différentes d’un quatuor de protagonistes, l’ensemble peut s’apprécier globalement dans le grand tableau qu’il se propose de former avec le premier film. Faux-semblants, manipulation et jeux de pouvoir sont encore de rigueur dans Believer 2, l’intérêt résidant ici dans une inversion surprenante des rapports de force ainsi que dans le prix terrible que semblent volontiers payer ses protagonistes. Quasiment impotent depuis que Rak l’a fait torturer, Brian Lee n’en garde pas moins l’esprit vif et calculateur. Il peut aussi compter sur la loyauté de ses hommes de main et surtout de sa tueuse en chef (sublime Lee Joo-young) pour élaborer un vaste plan de reconquête. Celle d’un trafic fructueux qui lui a été dérobé, ainsi que d’une identité (celle de Monsieur Lee) qu’il avait eu l’audace d’usurpé de par la similarité de son patronyme. Véritable légende urbaine dans le milieu criminel, le simple nom de Monsieur Lee résonne comme une garantie de suprématie pour qui prétend l’être. Là où Rak garde longtemps secrète la motivation qui le pousse à vouloir rencontrer le véritable Monsieur Lee, Brian lui, toujours souriant malgré son corps meurtri, nourrit toujours plus d’ambition que de soif de revanche. C’est par le biais de l’entrée en scène de "la Lame", bras droit de M. Lee, aussi negligée dans son allure qu’intrigante par son imprévisibilité et ses accès de violence, que les deux hommes autrefois adversaires espèrent atteindre leur cible. Dommage que l’enquête de Won-ho, elle, se voit cette fois reléguée au second plan, Believer 2 faisant clairement la part belle aux personnages de Rak et de Brian.


Avec M. Lee, cette figure implacable et longtemps sans visage qui plane sur l’intrigue, il est bien sûr aisé de dire qu’il y a un peu d’Usual suspects dans le diptyque Believer. Et aussi un peu de Breaking Bad, à travers cette volonté de destabiliser un empire de la drogue pour en faire chuter la figure tout aussi inaccessible que précautionneuse qui se trouve à son sommet.

Dans Believer 2, les personnages paient cher le prix de leur ambition et de la voie criminelle qu’ils ont choisi. Leurs corps-même portent les stigmates de leur propre félonie, qu’il s’agisse de Brian, toujours habillé d’un blanc immaculé, et dont la chair brûlée semble avoir paradoxalement décuplé sa soif de pouvoir, ou de la Lame, qui finit par révéler les scarifications monstrueuses qui parsèment son corps du fait de son passif de fille jalouse et perturbée. Sa quête d’une reconnaissance qu’elle n’obtiendra jamais de la part d’un père "rangé des affaires", qui ne s’émeut même pas devant les photos de sa famille assassinée, fait écho à la soif de revanche d’un jeune "héros" dont les parents lui ont été cruellement enlevés par le même homme. Quant au gangster Jin Ha-rim, tué dans le premier film et qui est en fait le frère ennemi de "la Lame", il fait ici une courte apparition sous les traits du charismatique Byun Yo-han, remplaçant l’excellent Kim Ju-hyuk, hélas décédé entre les deux films.


La question de la foi est subtilement abordée via les personnages de Brian, croyant chrétien acceptant le châtiment qui fut le sien, et M. Lee qui, lorsqu’on le découvre, révèle être un imperturbable agnostique, aussi érudit que glacial dans sa façon de sourire et de ne pas s’émouvoir sur la question du bien et du mal, même quand cela le touche personnellement. Il aura même poussé l’ironie jusqu’à transformer une vieille église perdue dans la jungle en labo clandestin pour la fabrication de la drogue qu’il a lui-même créée, la laïca. Ce qu’il prétend être, la seule façon pour les gens d’être "heureux".

En cela, le diptyque Believer prête à M. Lee des traits quasi-mystiques dans sa façon de rester longtemps invisible tout en semblant omniscient. Sa confrontation avec sa némésis ne lui ôtera jamais le sourire. Entièrement tourné vers son objectif, jusqu’à considérer sa propre vie comme sans valeur une fois libérée de son but, Rak finira par dire de Lee qu’il n’est pourtant qu’un homme comme lui, "il ne marquera pas l’histoire".


Appuyant la symbolique jusque dans une exécution finale qui fait écho à une autre, sans pour autant en avoir la même valeur, le réalisateur raccroche in fine les wagons avec la conclusion ouverte du premier film. Un face à face autrefois laissé volontairement en suspens et auquel on assiste ici en intégralité. Et ceci jusque dans une résolution brutale répondant aux larmes d’un homme leurré, que l’on devine incapable de pouvoir se pardonner.

Buddy_Noone

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