Il y a près de trente ans, -une éternité en termes de nouvelles technologies-, Bienvenue à Gattaca imaginait notre monde "dans un futur pas si lointain". Entreprise on ne peut plus casse-gueule, en témoignent nombre de ces films d'anticipation qui se sont plantés sur toute la ligne...téléphonique !
Pour sa part, le film d'Andrew Niccol n'a pas vieilli d'un poil. S'appuyant sur des personnages et un univers autant inspirés par le passé que par le futur, Gattaca semble avoir trouvé ainsi la recette de l'éternelle jeunesse.
Pour ce qui est de l'esthétique, Gattaca tranche avec les choix habituels inhérents aux films de SF cherchant à anticiper le futur. Ici, on regarde plutôt du côté des années 50 : avec ces décors rappelant l'architecture lecorbusienne, des escaliers en colimaçon (à l'image de brins d'ADN), ou des costumes/coiffures évoquant les personnages des films noirs de cette période. Sans oublier la DS cabriolet d'Uma Thurman qui n'aurait pas juré dans un film de Lautner. Quant aux traqueurs, ces flics aux costumes vintages, ils répondent aux sobriquets d'Hoovers, référence directe au très paranoïaque directeur du FBI...des années 40/50/60 !
Côté photographie, le grain de l'image et une palette de couleurs exceptionnelle, avec ces jaunes sépia pour les ambiances extérieures et ces verts- verts bouteille vintage, verts fluo inquiétants, à l'image d'une science devenue prescriptrice, renforcent la dimension anti-datée du métrage.
Mais Gattaca tire aussi tout son intérêt du regard très ironique que le réalisateur porte sur ce monde devenu fou.
Ainsi, le scénar évite toute forme de manichéisme laissant de côté l'habituelle confrontation héros/méchant(s). Pas de savant machiavélique, donc, ni de politicien malintentionné mais un état intrusif qui sélectionne les citoyens sur des critères génétiques. C'est à la fois frustrant car il semble manquer à cette histoire un antagoniste en bonne et due forme et en même temps, ce face-à-face de l'individu contre l'Etat renvoie à des récits ou mythes universels : Antigone, Spartacus, 1984...
L'histoire se focalise ainsi sur trois personnages clé : Vincent Freeman (Ethan Hawkes), vilain petit canard mais homme libre, voué aux gémonies (aux gènes honnis) par une société qui ne jure que par l'impeccabilité des profils génétiques ; Irène Cassini (Uma Thurman) , une âme complexe dans un corps complexé ; et le très subtil Jérôme Eugène ("bien-né") Morrow privé de ses deux jambes mais doté d'une intelligence hors pair et d'une volonté chevillée à deux bras non raccourcis.
Ainsi, le mano a mano auquel se livrent Jérôme, génétiquement valide mais physiquement invalide et Vincent, dégénéré du côté de l'ADN mais régénéré par sa perspective de filer sur Titan n'est pas dénué de finesse. De même du jeu du chat et de la souris entre les deux amants, Vincent et Irène, qui vont longtemps se considérer l'un l'autre comme parfaitement inaccessibles alors que c'est précisément leur imperfection qui les rend si désirables.
Un beau film à découvrir ou redécouvrir.
8,5/10