Ce que j'avais apprécié jusque-là chez Schlesinger était assez éloigné de la Nouvelle Vague britannique, le Free Cinema des années 50-60, et "Billy Liar" pourrait presque voir comme un amuse-gueule de "Darling" sorti 2 ans plus tard et dans lequel Julie Christie prendra beaucoup plus d'importance — même si je trouve ce film-là beaucoup moins agréable et intéressant. Le personnage de Billy Fisher, interprété par Tom Courtenay, est un de ces personnages hautement allégoriques (sans que cela ne soit asséné lourdement) symbolisant tout un pan de la jeunesse anglaise de l'époque : un employé de bureau dans une entreprise de pompes funèbres qui vit toujours chez ses parents, menant une bien morne existence. La particularité de taille, ici : Billy est un immense mythomane, et il s'invente un monde imaginaire (qu'il a baptisé "Ambrosia") dans lequel il est le héros.
Fuir une triste réalité pour se réfugier dans des rêves : le dispositif pourrait facilement être poussif, et Schlesinger n'est pas toujours d'une légèreté à toute épreuve dans ce projet. Il n'empêche, le film trouve un équilibre très agréable, entre frasques comiques et instabilité existentielle débouchant sur une forme surprenante de mélancolie. Billy, le genre de gars qui a promis le mariage à plusieurs filles et qui n'en finit pas, dans cette logique, de se fourrer dans des situations improbables et inextricables. Seule Liz, le personnage joué par Christie, semble comprendre ce qui anime ce mal-être et tente de l'en sortir en l'invitant à Londres — un final très noir, sans emphase, bien pesé.
Toutes les teintes de grisaille qui structurent sa vie, à la maison, au bureau ou en amour, vont de pair avec ses aspirations dans le royaume imaginaire, tour à tour général des armées à la Mussolini, amant impétueux ou super héros. Le motif de la fusillade, quand il est confronté à des situations compliquées, revient très souvent aussi. Difficile de ne pas voir tout le film comme le cri de détresse d'une jeune adulte étouffé par le conformisme de son existence et de son entourage. Une impasse sordide et tragique, dans laquelle il se retrouve avec sa mélancolie mal dissimulée derrière une fausse gaieté. Sur ce thème, plus le film avance, et plus la farce disparaît au profit d'une profonde anxiété : la chose la plus réussie du film, assurément.