The Black Phone : l’horreur, le surnaturel et le lien, outre tombe, frère/sœur

Avec The black phone, Scott Derrickson signe une adaptation saisissante de la nouvelle de Joe Hill, où l’horreur devient psychologique, surnaturelle et profondément humaine. Le film suit Finney, cinquième adolescents enlevés par un tueur mystérieux aux ballons noirs.

Enfermé dans une cave insonorisée, il découvre un vieux téléphone noir, débranché, mais qui sonne mystérieusement. À travers ce lien avec les précédentes victimes, Finney apprend, s’inspire et élabore des stratégies pour tenter d’échapper à son geôlier.


Le film met en avant l’ingéniosité des anciennes victimes : chacune a laissé des messages, des conseils et des indices, permettant à Finney de se préparer, d’anticiper et de résister. Mais ce soutien invisible est tempéré par la cruauté du Grabber : le tueur transforme la survie en jeu insidieux, car une voix d’ancienne victime prévient Finney que s’il se comporte comme un « mauvais garnement », le Grabber pourra étendre sa cruauté. Le téléphone devient alors une interface entre danger et stratégie, un lien entre les vivants et les morts, où chaque choix compte.


Derrickson explore également la fratrie et la filiation. La sœur de Finney possède un don de clairvoyance : comme sa défunte mère elle perçoit des bribes de ce qui menace son frère et ressent le danger. Ce pouvoir fait écho à celui qu'a Finney via le téléphone, sorte de canal de communication avec l'au-delà, tissant un lien mystique et familial où courage, solidarité et surnaturel s’entrelacent pour contrer l’horreur. Ensemble, ils incarnent une force complémentaire : Finney apprend des voix passées, Gwen perçoit l’invisible, et c’est par cette alliance qu’ils trouvent espoir et résilience.


Le film n’oublie pas non plus la violence latente entre enfants, notamment avant l’enlèvement : rivalités, moqueries, et grosses brutalités mettent en évidence les fragilités et les tensions de l’enfance. Ces violences contrastent avec la solidarité que Finney doit construire avec les voix passées, montrant comment la peur et la survie peuvent transformer l’innocence en maturité forcée.


La réalisation de Derrickson est remarquable : la cave oppressante devient un personnage à part entière, avec ses jeux d’ombre et de lumière, ses silences et ses sons inquiétants. Mason Thames incarne Finney avec justesse, mêlant peur, vulnérabilité et audace naissante, tandis qu’Ethan Hawke impose un Grabber glaçant par son calme et son aura inquiétante.


Comparatif : film vs nouvelle


Points communs


  • Le cœur du récit est conservé : un adolescent kidnappé, enfermé dans une cave, découvre un vieux téléphone noir débranché qui sonne et via lequel il entend les voix des précédentes victimes du tueur.
  • Le personnage du tueur (« the Grabber ») et la nature de son huis‑clos dans la cave sont repris fidèlement.
  • Le ton oppressant et la thématique de l’enfance menacée, l’isolement, la peur – tous ces éléments sont présents à la fois dans la nouvelle et le film.

Différences majeures


  • Le contexte familial : dans la nouvelle, le récit se concentre presque exclusivement sur le jeune garçon dans la cave, avec très peu de back‑story pour la famille. Le film, lui, étoffe l’entourage du personnage : une sœur, un père abusif, un passé familial traumatique.
  • Le rôle de la sœur et du surnaturel : le film introduit la sœur de Finney (Gwen) qui a des visions ou un pouvoir psychique — ce n’est pas dans la nouvelle.
  • Le format et la construction : la nouvelle est très courte (~19 pages) et se déroule presque entièrement dans la cave. Le film ajoute des scènes extérieures, des arcs secondaires, plus de personnages, et une structure narrative élargie.
  • L’apparence du tueur : dans la nouvelle, le Grabber est décrit comme extrêmement obèse, un « hippo » dans les mots de Hill, tandis que dans le film l’acteur porte un masque, est habillé comme un magicien, et l’accent visuel est différent.
  • La profession du tueur : Hill indiquait dans la nouvelle que le tueur était clown à temps partiel. Le film change cela en magicien à temps partiel, pour éviter la comparaison trop évidente avec Pennywise.
  • Le nombre et l’importance des victimes / appels : le film étend le nombre d’appels reçus par le téléphone, donne à chaque victime un peu plus de présence, alors que la nouvelle est plus minimaliste à cet égard.

Ce que ces différences signifient


L’adaptation cinématographique ne se contente pas de mettre en image la nouvelle : elle la déploie, l’élargit, lui donne plus d’envergure dramatique. Le pari est celui‑ci : rester fidèle à l’esprit (isolement, peur, voix des victimes) tout en offrant un film complet possédant une dynamique narrative et émotionnelle propre. Certains lecteurs de la nouvelle peuvent regretter la dilution de la tension brute et confinée de l’originale, tandis que certains spectateurs trouveront que le film gagne en profondeur.


Verdict

The Black Phone dépasse l’horreur classique pour devenir une expérience émotionnelle, surnaturelle et psychologique. Entre le courage de Finney, le don de Gwen, l’ingéniosité des victimes et le jeu pervers du tueur, le film tisse un récit où peur, filiation et résilience se mêlent. Derrickson réussit à transformer une courte nouvelle en thriller intense, poignant et inventif, respectueux de l’esprit de Joe Hill tout en l’élargissant avec audace.

Ma critique du second volet : https://www.senscritique.com/film/black_phone_2/critique/332178457
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