La danse me fait généralement royalement chier. C'est peut-être beau mais regarder une troupe d'anorexiques si gracieux soient-ils pendant toute la durée d'un ballet a fortement tendance à me pomper l'air. En revanche, même en étant imperméable à cette forme d'art et malgré tout le respect que j'ai pour la folie et le travail nécessaires à ce genre de spectacle, il est bien évidemment possible qu'un film sur le sujet soit cinématographiquement réussi et par conséquent à même de me plaire. La preuve, je ne connaissais rien au fonctionnement d'un jazz-band, ça ne m'intéressait pas tellement en tant que tel et pourtant j'ai adoré Whiplash. Le film d'Aronofsky traitant plus ou moins des mêmes thèmes, à savoir la quête de la perfection, la souffrance, le dépassement de soi, mon intérêt pour son Black Swan n'a donc fait qu'augmenter.
Ballet de vache
Darren "gros sabots" Aronofsky s'attaque au monde de la danse, à grand renfort de clichés et de schizophrénie. Il a réussi à me filer mal au crâne avec sa caméra en quarante-cinq bonnes minutes où il fait un peu n'importe quoi avec et nous montre que les effets de style, ça il maîtrise. Mais il oublie qu'un film n'est pas censé ressembler à l'enfant bâtard de Space Mountain et d'un parkinsonien. Sérieusement au début du film la caméra n'arrête pas de bouger dans tous les sens, à te filer le mal de mer ces conneries. C'est sale. Heureusement que ça se calme un peu ensuite, à moins que ce ne soit juste l'habitude, comme un mal de mer qui s'estompe au gré du roulis. Enfin au moins pour une fois Clint Mansell évite de faire dans la pesanteur ambiante, et si le côté dramatique est parfois lourdement souligné ce dernier reste tout à fait tolérable voire même cohérent vis-à-vis du ton et de l'histoire.
De même quand il faut doser l'ami Darren verse dans la surenchère jusqu'à l’écœurement, j'ai même envie de dire qu'au bout de la dix-sept millième hallucination on commence à comprendre qu'elle devient un peu barge la Natalie. La schizophrénie est d'ailleurs plutôt mal gérée. Pendant certains passages il laisse volontairement un flou, alors que pour d'autres il donne directement une réponse parfois bien trop claire cassant toutes ses tentatives d'immersion dans son sujet. Ce traitement quelque peu arbitraire nuit justement à la cohérence de l'histoire qu'il raconte. Quand elle chiale c'est pareil, il faut y aller avec une certaine mesure. Sauf que le budget Kleenex® du film a dû allègrement dépasser le PIB du Burundi. Ça en devient indécent. Je sais qu'à la base il n'est pas très subtil, mais quand même, cette fois il se surpasse. Le problème est que les ficelles sont usées et que le réalisateur de Requiem for a Dream est loin d'être un débutant dans le genre.
Cygne funeste
Le but était peu être de chopper nos tripes pour aller les éclater avec virulence par terre, la volonté du réalisateur était peut-être de rendre son œuvre viscérale, mais ça n'a provoqué chez moi qu'une sorte d'ennui poli. C'est trop forcé, le tout verse bien trop dans la caricature pour vraiment y parvenir. Si quelques scènes provoquent un certain malaise ce n'est en rien suffisant, ce qu'elle subit a juste l'air désagréable. Et ça l'est très certainement mais tout ça n'a aucune espèce d'importance en tant que tel. Le problème c'est qu'en cinéma l'illusion est primordiale, pour être transporté il faut y croire et si l'alchimie n'est pas là, ça ne fonctionne tout simplement pas. D'ailleurs les clichés sont légion, entre la mère qui projette directement ses rêves dans sa fille, le coup de la rivale, le saphisme chez les danseuses, le maître de ballet qui séduit ses petits rats et j'en passe. Dire que ça pourrait être un peu plus que regardable sans tout ça.
Parce qu'en vérité il y a de bons côtés dans ce Black Swan, comme l'atmosphère pesante liée au cadre et aux décors dont le rendu souvent intimiste, associés à l'intéressant grain de l'image, est un parti-pris esthétiquement réussi. De même les acteurs sont bons : Vincent Cassel ne surjoue pas et Nathalie Portman est crédible dans son rôle, son personnage un peu moins, mais ça ne diminue en rien sa performance. De là à dire que son jeu mérite un Oscar se trouve un pas que je n'oserai franchir. Les yeux rouges par contre sont tellement dispensables, mais tellement. J'ai un peu plus de mal avec Mila Kunis mais elle se débrouille plutôt correctement. Et puis sa voix est quand même chouette, pour peu que l'on regarde le film en version originale. Il faut donc féliciter la direction d'acteur d'Aronofsky, ici impeccable. Winona Ryder et Barbara Hershey sont d'ailleurs ici assez convaincantes, la première en étoile déchue, l'autre en mère possessive.