Après l’échec commercial de Dune, Lynch se voit refuser plusieurs contrats d’importance dont les suites du premier opus…
Il revient alors avec un tout nouveau projet : Blue velvet.

Peint comme « une histoire d’amour et de mystère » par son créateur, Blue velvet étonne par son thème autant que par la façon dont il est traité.
Film sensuel, fort et lourd, il s’illustre par des scènes traumatisantes situées à la frontière du rêve et de la réalité.

Véritable mine de symboles, Blue Velvet recèle toute la force du cinéma de Lynch. Planté entre deux mondes, le décor s’ouvre sur une petite ville tranquille où règne le bien-être et la douceur de vivre.

La découverte impromptue d’une oreille humaine, comme un avertissement envers Jeffrey qui se doit de mieux écouter ce qui l’entoure, fait basculer l’ensemble dans un univers peuplé de ténèbres insoupçonnées.

Car là se trouve la plus grande symbolique Lynchéenne : le possible passage d’un monde vers un autre, inconnu voire effrayant qui, calqué sur le premier, en dévoile ses secrets les moins avouables, ses pensées les plus cruelles.

A l’image de l’opposition existante dans de nombreux films du cinéaste (Mulloland drive, Lost highway, Twin Peaks etc.) la femme blonde s’oppose à la brune comme pour mieux faire découvrir au spectateur l’envers d’une personnalité complexe. C’est ainsi que l’on pourrait interpréter le duo que forment Sandy et Dorothy dans l’esprit de Jeffrey.

La jeune et pure Sandy, blonde représentant la personnalité avouable de la femme. Un être asexué, doux, tendre et aimant. Alors que Dorothy, puissante et sensuelle brune, à la fois femme et mère représenterait l’aspect sexuel et mature de la femme, faite de contradictions et de désirs.

Mais le paradoxe ne s’arrête pas là. En effet, comment ne pas faire le terrible parallèle entre Dorothy et l’image de la mère telle que se la représente inconsciemment Jeffrey. C’est alors une rencontre incestueuse que met en lumière Lynch. Comme pour nous montrer la relation complexe, voire perverse, qui existe entre Dorothy et Jeffrey. Celle-ci, mère désespérée d’un enfant kidnappé, trouverait dans l’image du jeune homme, au-delà de l’amant, la symbolique lisse et nette de enfant qu’elle souhaiterait garder à ses côtés. L’image de la mère telle qu’elle est ici dépeinte apparaît très noire. Dorothy, dépressive et soumise, se laisse guider et submerger pas ses passions et ses désirs, mettant ainsi en lumière le paradoxe qui existe en chacun de nous.

Au-delà du propos qui peut sembler dérangeant, Blue Velvet se présente comme un mauvais rêve que la réalité occulte. Une ouverture vers un monde qui, bien qu’étant à notre portée, ne nous apparaît que pas inadvertance et suscite la fascination.

La musique participe beaucoup de cette impression fantasmée. En effet, pour la première fois Lynch fait appel au grand compositeur Angelo Badalamenti. Celui-ci va alors créer pour le film une musique lancinante et profonde qui atteint son apogée avec la chanson Mysteries of love interprétée par Julee Cruise (dont les paroles sont écrites par Lynch).

Les effets sonores sont en revanche moins présents que dans Eraserhead et n’apparaissent souvent que lors du basculement d’un monde vers l’autre (cf. le moment où Jeffrey découvre l’oreille coupée).

Les acteurs choisis pour le film sont également un modèle de perfection.

Isabella Rosselini, magnifique plante vénéneuse, symbolise avec talent la sensualité charnelle qui émane de la figure féminine. Kyle MacLachlan, jeune homme à la personnalité lisse, incarne à merveille l’adolescence en quête d’expériences et à la recherche d’une identité sexuelle. Malgré son visage angevin, il découvre la fascination et la perversion du monde qui l’entoure, côtoyant le mal sous différentes formes.

Mais le rôle le plus troublant revient sans doute à Dennis Hopper. Véritable figure psychopathe, il matérialise à merveille la folie et la perversion du genre humain. Lui-même double, incarnant à la fois l’enfant et le père, il exprime toute la complexité de son personnage par des expressions terrifiantes et fortes.

Véritable classique Lynchéen, Blue Velvet assoit l’univers de son cinéaste dans un décor idéalisé où perce l’ombre… Schéma structurel aux contours flous, le film fixe l’expression de l’amour tel que le définit Lynch. Un sentiment pur et clair affranchit de pulsions et de désirs néfastes.

Un film magnifique, tant pour l’atmosphère que dévoile Lynch que pour la complexité des liens qui unissent ses personnages… Un cinéma aussi dérangeant qu’accessible, à découvrir pour son potentiel émotionnel riche et intense.

En 1987, le film a remporté de nombreuses récompenses dont le Grand Prix du Festival du Film Fantastique d’Avoriaz, le prix d’interprétation pour Isabella Rossellini lors des « Independant Spirit Awards » et pour David Lynch, Frederick Elmes et Dennis Hopper (second rôle) un prix attribué par la Société des Critiques de Film de Boston et par la Société Nationale des Critiques de Film (USA)
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le 14 sept. 2013

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