Dans "Blue Velvet", il y a, pour la première (vraie) fois dans l’œuvre de Lynch, qui était encore à l'époque un cinéaste "normal" ou presque, ces béances mortelles qui s'ouvrent sous les pieds des innocents, ce grouillement noir de cauchemar hébété, ce théâtre grotesque des pulsions (sexuelles avant tout, meurtrières aussi) sur lequel on peut tomber pour peu qu'on ait poussé la mauvaise porte. Il y a, évidemment, cette oscillation permanente entre fascination / répulsion pour ce qu'il y a de pire en nous comme en tout être humain. Il y a, surtout, et c'est la suprême élégance de ce film, un premier degré presque naïf, une sorte de croyance émue en la lumière, en l'innocence qui doit - Lynch l'espère encore à cette époque - triompher... à l'image (finale) du rouge-gorge (empaillé) croquant la vermine : on croyait y voir du cynisme à l'époque, c’était la mode, et on ne comprenait pas encore cette sorte d'innocence lynchienne sublime. Dans "Blue Velvet", il y a une Isabella Rossellini en femme blessée comme on en a peu vues dans des films, et surtout un Dennis Hopper dans le rôle de sa vie : Frank Booth - un peu comme Hannibal Lecter dans un registre quasi-opposé - restera l'une des images les plus saisissantes du Mal au cinéma. [Critique écrite en 2011]

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le 14 oct. 2014

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Eric BBYoda

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