oct 2010:

Le titre français est aussi inepte que mensonger. D'érotisme, il n'est point question. Mais la sortie française sur le marché érotique décidée par je ne sais quel génie a tôt fait de tuer le film qui n'est resté à l'affiche qu'une semaine, évidemment. En dehors d'une diffusion télévisée au "Cinéma de minuit" de Patrick Brion, cet "uomo dei cinque palloni" est un objet rare que la Cineteca Italiana di Milano (si je ne m'abuse?) a bien voulu prêter au 36e Cinemed afin de rendre hommage à Marco Ferreri.
Une première pour moi : visionner un film en version originale sans sous-titre, mais muni d'un casque d'où sort la voix virile d'un traducteur qui roucoule d'un accent transalpin à écorcher les nuages. Quelques secondes pour s'adapter et vole le navire!

La présentation du film par le critique Noël Simsolo pour souriante qu'elle soit ne m'a pas totalement convaincu sur le fond, même si l'idée de définir Marco Ferreri comme le cinéaste de l'obsession est souvent excitante mais pas toujours pertinente. Elle l'est complètement toutefois sur ce film-là, c'est indéniable.

Le film montre la lente agonie psychique d'un industriel milanais (me semble avoir reconnu les pointes érectiles de la cathédrale?) incapable de vivre sans réponse à une question obsessionnelle qu'il ne parvient pas à maitriser rationnellement : "combien d'air peut-il me mettre dans un ballon avant que celui-ci n'éclate?" Le film est intégralement basé sur cette idée qui tourne en boucle dans son esprit, sans fin, jusqu'à le rendre fou.

Or, si la plupart des films de Ferreri se construisent autour de ce type de questionnement proche de l'existentiel ou d'une poétique de l'absolu et proposent donc une réflexion plus profonde, voire universelle et magnifique, ici, le soufflé se dégonfle progressivement. L'obsession de Mastroianni n'interroge pas vraiment l'existence, n'excite guère et n'engendre rien.

A part le travail toujours stupéfiant de cet immense comédien, je confesse un léger ennui vis à vis d'un sujet peu nourrissant et pas vraiment bien traité. Je me suis tellement habitué au travail d'orfèvre dans l'écriture du duo Azcona / Ferreri, que les limites du scénario, ses ratés dans le rythme me paraissent criants. La progression psychologique du personnage n'est pas maitrisée : les hauts et les bas que connait Mastroianni manquent de réalisme et ne permettent pas de crédibiliser la thèse du film qui par conséquent s'écroule dans la dernière partie.
Tout ça pour ça? La dernière scène avec le chien montrant l'animal réussir à faire ce que l'homme tout à son obsession n'était plus capable d'apprécier est pour le moins grossière et finit de faire s'effondrer le film dans le lamentable. Oui, je suis très déçu. A la mesure de l'estime que je conserve pour ce couple d'auteurs bien plus précis et subtils sur d'autres œuvres.
Alligator
5
Écrit par

Créée

le 14 avr. 2013

Critique lue 463 fois

Alligator

Écrit par

Critique lue 463 fois

D'autres avis sur Break-up, érotisme et ballons rouges

Break-up, érotisme et ballons rouges
FrankyFockers
9

Critique de Break-up, érotisme et ballons rouges par FrankyFockers

Un industriel italien, qui fabrique des bonbons, devient obsédé jusqu'à la démence, jusqu'au suicide, en tombant sur un ballon gonflable et en se posant cette question insoluble : jusqu'où peut-on...

le 16 mai 2022

Break-up, érotisme et ballons rouges
Flave
7

Encore un dernier souffle

Break-up, érotisme et ballons rouges est une œuvre exhalant une absurdité amère. De par son triste protagoniste, elle dresse une critique acérée de la société de consommation et sur les têtes qui en...

le 28 janv. 2022

Du même critique

The Handmaid's Tale : La Servante écarlate
Alligator
5

Critique de The Handmaid's Tale : La Servante écarlate par Alligator

Très excité par le sujet et intrigué par le succès aux Emmy Awards, j’avais hâte de découvrir cette série. Malheureusement, je suis très déçu par la mise en scène et par la scénarisation. Assez...

le 22 nov. 2017

54 j'aime

16

Holy Motors
Alligator
3

Critique de Holy Motors par Alligator

août 2012: "Holly motors fuck!", ai-je envie de dire en sortant de la salle. Curieux : quand j'en suis sorti j'ai trouvé la rue dans la pénombre, sans un seul lampadaire réconfortant, un peu comme...

le 20 avr. 2013

53 j'aime

16

Sharp Objects
Alligator
9

Critique de Sharp Objects par Alligator

En règle générale, les œuvres se nourrissant ou bâtissant toute leur démonstration sur le pathos, l’enlisement, la plainte gémissante des protagonistes me les brisent menues. Il faut un sacré talent...

le 4 sept. 2018

50 j'aime