Lanthimos a annoncé prendre une pause après avoir enchaîné coup sur coup trois films. Et il a raison car ses deux derniers opus n’ont pas la maestria de « Pauvres créatures », le premeir du lot, ou du chef-d’œuvre « La Favorite », ni même de ses premiers essais comme « Canine » ou le génial « The Lobster ». Et si « Bugonia » n’est pas aussi ennuyant et fatigant que le pénible « Kinds of Kindness » et ses près de trois heures en trois segments, il n’est pas non plus du niveau des films cités précédemment. Une fois n’est pas coutume, le cinéaste grec n’a pas écrit le scénario de son film (il est de Will Tracy, à l’œuvre sur, entre autres, la petite bombe « Le Menu »). Et, fait saillant, c’est Ari Aster qui est à la production. Deux des auteurs les plus en vogue du cinéma contemporain (même si Aster a bien déçu également avec ses derniers films) s’associent pour le remake d’un film sud-coréen. C’est donc aussi curieux qu’inattendu et alléchant.
« Bugonia » débute sur les chapeaux de roue avec ses deux guignols conspirationnistes qui vont kidnapper la CEO d’une grande entreprise pharmaceutique persuadés qu’elle fait partie d’une race extraterrestre qui manipule les humains. C’est incisif, blindé d’humour noir et les dialogues sont croustillants. Mais, surtout, Lanthimos offre encore à son actrice fétiche à laquelle il a fait gagner un Oscar une prestation en or massif dont elle s’acquitte avec toutes les louanges. Il a également offert un prix d’interprétation à Cannes l’an passé à Jesse Plemons pour « Kinds of Kindness » et celui-ci le lui rend bien en se donnant corps et âme dans ce nouveau rôle. Voilà une confrontation de cinéma haute en couleurs avec deux comédiens en état de grâce. Ce qui permet de compenser pas mal de faiblesses de ce film étrange entre farce à l’humour noir et critique poids lourd du conspirationnisme (car à ce niveau ce n’est plus du complotisme réaliste!) et des grandes entreprises pharmaceutiques. Leurs échanges complètement lunaires et parfaitement écrits font tout le sel du long-métrage.
Ici, un peu comme dans le surchargé « Eddington » de Ari Aster, tout le monde en prend pour son grade. La satire du conspirationnisme est lourdingue, presque grossière, et n’y va pas avec le dos de la cuillère. C’est aussi amusant que parfois légèrement complaisant. « Bugonia » est une œuvre misanthrope au possible qui tire à boulets rouges sur tout et de manière un peu facile en enfonçant des portes ouvertes. Le pamphlet anticapitaliste et anti-riches a déjà été vu maintes fois (et en mieux et plus fin, comme chez le double palmé Rüben Ostlund), la pierre jetée à la sphère complotiste également tandis que l’alerte sur l’écologie n’est pas vraiment une prise de risque. Sur le fond, on peut trouver ce petit théâtre de la dénonciation facile et hautain.
C’est davantage au niveau de l’exécution que l’on s’amuse. Lanthimos filme encore une fois avec ses focales si singulières qui font l’originalité de son cinéma et enferme ses personnages dans un format carré. Il y a des explosions de violences presque jubilatoires qui vont souvent de pair avec les fulgurances visuelles du réalisateur. Après, ce huis-clos de deux heures est peut-être un peu trop étiré et finit par tourner en rond, notamment au milieu où la lassitude pointe le bout de son nez. Il faudra attendre une fin complètement inattendue et qui nous met en porte-à-faux quant aux véritables intentions des auteurs pour qu’on soit de nouveau investis quoique complètement perplexes. On hésite entre génie et ridicule. À vous de voir! Pas déplaisant et régi par ses acteurs, ce « Bugonia » est moyen et pas à la hauteur de nos attentes mais il dispose d’assez de qualités pour qu’on s’y amuse. Sporadiquement ceci dit.
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