Sous le verni plus ou moins épais de la civilisation se cachera toujours le grand primate de nos origines, c'est le message que fait passer Roman Polanski dans ce film. Le synopsis est court, deux couples de parents dont les enfants se sont battus, se retrouvent pour régler cette affaire à l'amiable, du moins au début.

Il a l'avait déjà démontré avec La Jeune Fille Et La Mort, Roman Polanski est très à l'aise avec les adaptations de pièces de théâtre. Il sait choisir ses acteurs, il sait accéder à une mise en scène d'une efficacité simple et claire. Ce qui est très frappant dans ce film, outre la performance incroyable de tous les acteurs, c'est que chaque personnage commence à un point de départ différent et qu'ils finiront tous par lever le masque pour révéler une totale abolition des codes de vie en société et de savoir-vivre.

Kate Winslet, en femme du monde coincée dans ses principes et son tailleur Chanel est bien sûr toujours très belle, mais donne l'impression d'être une mère par obligation. Son mari (Christoph Waltz), avocat d'un grand laboratoire pharmaceutique, convaincu que son fils est un sauvage, ne peut s'empêcher d'avoir que mépris pour ses interlocuteurs, quels qu'ils soient. John C. Reilly (toujours aussi merveilleux, ce moment où il lance en quelques secondes un regard de défi absolu à Christoph Waltz montre l'étendue de son talent ) campe un petit vendeur de quincaillerie "castré" par son épouse Jodie Foster, sauveuse du monde de la veuve, de l'orphelin, de l'environnement bref, de toutes les causes à sauver. Sans compter qu'elle se fait une haute idée de l'humanisme qu'elle compte inculquer à son fils.

Il y deux niveaux de lecture à ce film qui le rendent accessible à tous. On peut s'arrêter sur le côté jouissif de voir peu à peu déraper la situation qui amène ces deux couples bien sous tout rapport à boire plus que de mesure et à s'invectiver de manière de plus en plus violente et loin de toute forme de morale. De la première lecture découle la seconde, cette abolition de toute morale et de bienséance, qui amène le spectateur à se demander quel est le bien-fondé des apparences et la vanité du statut social que nous tenons à tout prix à afficher.

Ce film est riche sur la forme par un côté divertissant assumé et probablement nécessaire et par cette réflexion à laquelle il nous pousse, certes déjà abordée par d'autres mais magnifiée par un Polanski qui, contrairement à d'autres, arrive à rester avec le temps un immense artiste.
Jambalaya
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le 17 janv. 2013

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