Gourmandise.
Charlie et la Chocolaterie n'est pas qu'un simple film pour enfant, en effet Tim Burton tend beaucoup plus vers la satire que la fable enfantine creuse ayant pour seul but de divertir. Cette histoire...
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le 7 mai 2014
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Qui est le film ?
Charlie et la chocolaterie (2005) est la reprise burtonienne du célèbre conte de Roald Dahl, porté à l’écran cette fois par Tim Burton et Johnny Depp. Dans la filmographie du réalisateur, il joue un rôle particulier : après les excès gothiques et les portraits d’outsiders, Burton revient à un matériau pour enfants mais sans adoucir son goût du bizarre. En surface, le film raconte l’entrée de Charlie Bucket, gamin pauvre et attentif, dans l’univers fabuleux de Willy Wonka, propriétaire d’une usine de chocolat aussi merveilleuse que dangereuse.
Que cherche-t-il à dire ?
Au-delà du comique visuel et du plaisir gourmand, Burton reprend la vertèbre morale du livre (satire des excès de la consommation et punition des enfants gâtés) et la complète d’un questionnement contemporain : quel prix paie l’imaginaire dans une société de marché ? Le film oppose deux pôles : l’émerveillement salvateur (la chocolaterie comme espace du possible) et la mécanique éducative / normative (les numéros moralisateurs, la figure du père, la fabrique de la réputation). Burton affine un autre thème : la fabrication de l’artiste comme produit, et la solitude du créateur médiatisé d’où la tonalité à la fois enchantée et mélancolique de son Wonka.
Par quels moyens ?
Burton organise le film autour d’un double paysage : la pauvreté austère de la maison des Bucket (textures mates, économicité du cadre) et l’exubérance plastique de la chocolaterie (satures, formes organiques). Ce contraste formalise la fracture sociale et affective qui sous-tend le récit. Là où Charlie vit l’ennui, la chocolaterie propose la possibilité d’un autre rapport au monde.
Le film est une démonstration de design appliqué au conte : chaque salle de l’usine propose une logique visuelle distincte. Burton transforme les matériaux comestibles en textures filmiques viscérales, parfois légèrement grotesques et rend tangible l’étrangeté de ce monde.
Depp choisit un Wonka enfantin, maniéré, oscillant entre excentricité clownesque et fragilité. C’est une lecture volontairement lunaire : le personnage est plus fragile qu’autoritaire, plus schizophrène que diabolique. Ce parti pris humanise Wonka (on comprend ses blessures) mais altère aussi une part du mystère originel, un prix que Burton paie pour rendre le héros « psychologiquement » lisible.
Freddie Highmore campe Charlie avec sobriété ; son jeu modère l’opulence du film et en incarne la charge morale. Là encore Burton opère par contraste : la douceur et la sincérité de l’enfant rendent lisible la leçon du récit sans verser dans la mièvrerie. Charlie reste l’ancrage émotionnel, le point d’appui qui rend crédible l’émerveillement.
La présence répétée des Oompa-Loompas (interprétés par Deep Roy en une performance technique remarquable) fonctionne comme un chœur : ils chantent, dansent et commentent les transgressions. Burton transforme ces interludes en numéros stylisés qui rythment le film et rappellent, sans cesser d’amuser, l’architecture du conte.
Danny Elfman compose une bande-son qui épouse les variations de ton : du burlesque au tendre, de l’ironie à l’émotion. Le montage sonore, combiné aux chansons des Oompa-Loompas, crée des ruptures rythmiques utiles : elles ponctuent la comédie et soutiennent la mise en scène des châtiments, donnant au film son tempo de fable contemporaine.
Burton reprend des épisodes célèbres (la noyade d’Augustus, la transformation de Violet, la chute de Veruca) mais ajoute un volet psychologique (la backstory de Wonka, sa relation avec son père) qui vise à expliquer l’homme derrière la façade. Ce choix apporte une émotion nouvelle et rend le film plus intime ; il ôte cependant une part d’énigme, et transforme la fable morale en portrait d’un artiste blessé.
Où me situer ?
Je donne au film un bilan majoritairement enthousiaste : la direction artistique, le sens du cadrage et la capacité à faire vivre un univers tactile valent à eux seuls un 8/10. J’admire la manière dont Burton renouvelle un récit archi-connu par des trouvailles visuelles et une tonalité singulière. Mes réserves tiennent à deux points : la volonté d’analyser psychologiquement Wonka (qui désenchante parfois le mystère) et quelques ruptures de ton. Certaines séquences lorgnent vers la comédie outrée quand le matériau gagnerait d’être plus ambivalent. Enfin, la performance de Depp, assumée et impressionnante, pourra diviser : elle est brillante quand elle choisit la fragilité, moins quand elle caricature l’étrangeté.
Quelle lecture en tirer ?
Pour regarder Charlie et la chocolaterie, il faut accepter la double proposition du film : se laisser émerveiller par un travail de création visuelle d’une grande finesse, et en même temps penser la morale grinçante qui structure la fable. C’est un spectacle généreux (parfois trop démonstratif, parfois trop explicatif) mais souvent touchant, parce qu’il replace la poésie au centre du récit.
Créée
le 8 oct. 2025
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