Chroniques sexuelles d'une famille d'aujourd'hui par pierrick_D_

A la suite d'un incident graveleux impliquant son fils cadet de 18 ans,une mère de famille décide d'interroger ses proches à propos de leur sexualité.Et il y a de quoi faire entre le grand-père qui,depuis qu'il est veuf,se tape une pute,toujours la même,le père et la mère qui expérimentent de petits jeux érotiques afin d'entretenir une flamme vacillante,la fille qui a une relation torride avec un barman priapique qui la baise à couilles rabattues,le fils aîné amateur de plans à trois avec une fille et un garçon,et le plus jeune obsédé par l'envie de perdre son pucelage.Ce qui donne un tableau du sexe dans tous ses états:sexe à risques de l'aïeul dont les séances tarifées avec sa jeune amie mettent le coeur fragile à rude épreuve,sexe imaginatif des parents luttant contre l'usure du couple,sexe débridé des deux aînés en pleine explosion d'hormones,sexe fantasmé du benjamin qui enrage d'être le seul du groupe à n'avoir pas goûté à la chose.Le problème avec tout ça,c'est que le film finit par ressembler à un catalogue des pratiques sexuelles,et tout y passe ou presque:sexe du 3e âge,prostitution,c'était avant la loi pénalisant les clients bien sûr,jeux coquins,épilation intime;baise dans des lieux publics,bisexualité,masturbation,perte de virginité,sextapes balancées sur internet ou les réseaux sociaux.Le film appartient à un genre particulier,celui du film "normal" avec des scènes porno dedans,qui semble avoir pris naissance en 1976 avec "L'empire des sens" d'Oshima.Depuis,pas grand-chose car la censure veille et producteurs et réalisateurs ne tiennent pas à écoper d'une interdiction aux moins de 18 ans qui mettrait en péril l'équilibre économique de leurs oeuvres.Cependant,à partir des années 2000,une certaine tolérance est apparue,favorisant une percée de ce type de productions."Les idiots" de Lars Von Trier,"Baise-moi" de Virginie Despentes,"Ken Park" de Larry Clark,"9 songs" de Michael Winterbottom ou "Love" de Gaspar Noé ont ouvert une brèche.On a aussi pu voir des scènes limites dans le film coréen "Fantasmes" ou des inserts hard chez Catherine Breillat ou Bruno Dumont.Une des difficultés de ce type de projets est de trouver des comédiens capables de jouer correctement et d'assurer dans les scènes de sexe.On utilise soit des acteurs inconnus,comme c'est le cas ici,soit des amateurs,soit carrément des hardeurs,ces derniers intervenant aussi parfois comme doublures.Les comédiens de renom,et on les comprend,fuient ce genre de films,craignant de plomber leur carrière ou ne se sentant simplement pas de copuler devant la caméra.Seules quelques filles intrépides s'y sont essayées.On se souvient des fellations administrées par Maruschka Detmers,une vraie pionnière,dans"Le diable au corps",Chloe Sevigny dans "The brown bunny" ou Kerry Fox dans "Intimité".Le genre essaie de se frayer un chemin entre le film érotique,dit porno soft,qui triompha autrefois avec "Emmanuelle" ou "Histoire d'O",et le porno hard.Dans le premier cas,tout est simulé,dans le second tout est réel.Dans les deux cas,le seul but est de montrer du sexe,alors que les films hybrides dont il est ici question prétendent plutôt à une analyse sociétale des comportements humains,le sexe en faisant partie.Ainsi,ce "Chroniques sexuelles" revêt deux aspects,chacun faisant l'objet d'environ une scène sur deux.D'un côté il y a la partie comédie,de l'autre les scènes de fornication.Pour ce qui est de la comédie,on peut séparer le fond et la forme.Cette dernière est très réussie,avec des acteurs qui jouent juste,des dialogues bien écrits;et un humour salvateur passant par les réflexions distanciées que fait Romain,le fils puceau,en voix off.Sur le fond,c'est beaucoup moins convaincant.Nous sommes clairement dans du cinéma fait pour et par des bobos,qui diffuse le discours bien-pensant imprégnant l'air du temps.D'ailleurs,le film a été commandé et produit par Canal+,la capitale du Boboland.La chaîne a confié le projet au duo de réalisateurs que forment l'acteur Jean-Marc Barr et le scénariste Pascal Arnold depuis la fin des années 90.Les deux compères semblent avoir été choisis pour leur adhésion connue à la ligne officielle de la pensée unique,et peut-être aussi pour la capacité à filmer du cul qu'ils ont démontrée en certaines occasions,comme dans leurs très chauds "Too much flesh" ou "American translation".Du coup,nous voici donc dans une famille de bourgeois friqués écolos.On ne sait pas ce que fait le père mais la mère est avocate.On a une belle maison avec un grand jardin,on mange dans des restaurants bio,on a adopté une fille typée style maghrébin,les enfants font tous des études et ont leurs ordinateurs et leurs i-phones.Et surtout,on est cool et compréhensifs,pas comme chez ces horribles cathos coincés réacs.Donc,on n'hésite pas à parler de tout avec sa progéniture,y compris de sexe.De plus,on ne juge pas,on accepte et on encourage tous les comportements,quels qu'ils soient,fournissant les capotes au besoin,car on est trop top ouverts et tolérants.Et ça marche,car on aboutit au spectacle réconfortant d'une famille heureuse et équilibrée vivant dans l'amour et la sérénité.Amen.Voilà,enfoncez-vous bien ça dans le c...râne,oui,c'est comme ça qu'il faut faire,c'est comme ça qu'il faut penser.Effectivement,on peut voir les choses comme ça,pourquoi pas,mais là le message est asséné sans subtilité excessive,et surtout cette propagande n'apporte rien de neuf.Et puis,il y a le versant porno,car quand on ne parle pas de cul,on le pratique.D'ailleurs,le montage parallèle est habilement utilisé,alternant les scènes où des personnages discutent avec celles où d'autres,au même moment,s'envoient en l'air.Le cul,c'est là que Barr et Arnold ont été très bons,car ils ont trouvé la bonne façon de le filmer.En fait,c'est une question d'axes,d'angles et de distance.De mise en scène et d'image aussi.C'est filmé en DV,ce qui donne une photo brute et réaliste,proche de celle qu'on voit dans les séries télé de script-reality,pour ceux qui connaissent.Les réals ont résolument tourné le dos à la grammaire et aux codes du porno.Par exemple,ils ont proscrit les gros plans.Ils en utilisent,mais pas sur les pénétrations.C'est filmé en plan moyen,avec une caméra qui saisit les actes mais de manière brève,sans s'appesantir dessus.Les images hard sont souvent à la limite de l'écran,parfois même hors-champ.Quant aux acteurs,bien dirigés,ils adoptent des poses naturelles.Ils sont fixés sur leurs partenaires,ne regardant jamais l'objectif,et sont collés l'un à l'autre.Résultat,on y croit et c'est excitant.On a vraiment l'impression de voir des gens faire l'amour,comme si on entrait dans une pièce et qu'on y découvrait un couple en pleine action.C'est très différent du porno classique,dans lequel les acteurs sont dans la performance,prenant des positions acrobatiques afin que le spectateur voie bien tout,pendant que la caméra se contorsionne pour obtenir des gros plans gynécologiques,et que les scènes se suivent,se ressemblent et se prolongent indéfiniment,finissant par provoquer la lassitude du spectateur.Dans "Chroniques sexuelles",la façon de filmer et de diriger les acteurs,alliée à l'alternance des scènes de comédie et de sexe qui aère l'ensemble,produit une surprenante ambiance réaliste.Ajoutons que l'utilisation du hard n'est pas systématique.Certaines scènes sont hard,d'autres simulées,pour d'autres on ne sait pas trop,mais bizarrement ça ne nuit pas à l'homogénéité de l'ensemble.Certains ont parlé à propos du film de pudeur,ce qui est une erreur.On n'utilise pas les techniques habituelles du porno mais ça n'empêche pas que ça parle de cul,ça baise cash,c'est chaud,c'est cru et le rendu réaliste obtenu fait qu'il s'agit d'un film au contraire totalement impudique.On peut même parler de grand film voyeuriste,ce qui n'est nullement péjoratif.Le cinéma,c'est l'art du voyeurisme par excellence,destiné qu'il est à nous faire découvrir des actes et des émotions auxquels on ne pourrait accéder autrement.Saluons pour finir le travail des comédiens,inconnus mais formidables,qui sont aussi convaincants dans la comédie que dans la représentation du sexe,ce qui n'est pas une mince affaire.

pierrick_D_
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le 24 août 2016

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Moizi
1

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