En 1988, Child’s Play connaît un succès immédiat, aussi bien commercial que critique. Pour un budget modeste estimé à 9.000.000$, le film en rapporte près de 45.000.000$ à travers le monde, un chiffre impressionnant pour un film d’horreur. Cette réussite repose sur une idée originale : celle d’une poupée pour enfants possédée par l’esprit d’un tueur en série. Le mélange entre frayeur, humour noir et satire de la société de consommation donne au film une identité singulière. De plus, le travail d’effets spéciaux et d’animatronique de Chucky contribue à rendre la poupée terrifiante et crédible, marquant durablement le public et la culture populaire.

Don Mancini, créateur de l’idée original et co-scénariste, se lance immédiatement dans l’écriture d’une suite. Les producteurs veulent capitaliser sur la popularité du personnage de Chucky sans trop tarder, ce qui impose un rythme d’écriture et de production rapide. L’idée retenue est volontairement simple afin de garder l’efficacité du premier film : Chucky est réparé dans le but de redorer l’image de la marque après les événements du premier film. Mais la réanimation de la poupée permet au tueur Charles Lee Ray de revenir à la vie et de repartir à la recherche du petit Andy Barclay, son hôte idéal, pour enfin transférer son âme dans un corps humain.

John Lafia, qui avait co-écrit le scénario du premier film aux côtés de Mancini et de Tom Holland,  est choisi pour mettre en scène cette suite. Il n’est pas étranger au métier de metteur en scène, avant cela, Lafia s’était fait remarquer avec The Blue Iguana. Même si ce précédent long-métrage n’a pas eu un grand succès, il démontre un style visuel particulier et un goût pour les ambiances colorées et légèrement absurdes.

En 1990, Child's Play 2 sort au cinéma, soit deux ans après le premier.

Comme dit plus haut, le scénario se débarrasse des sous-textes sociaux et satiriques du premier film. Exit la critique de la société de consommation, du marketing pour enfants ou du capitalisme des jouets. Ici, Don Mancini et John Lafia optent pour une approche plus viscérale, plus simple : Chucky revient, et il veut tuer. Même si le dernier acte se déroule dans une usine de jouets, lieu hautement symbolique, cette dimension critique n’est plus qu’un décor, un simple espace de confrontation spectaculaire. Le film se transforme alors en pur slasher, avec une structure proche du boogeyman movie : une créature indestructible, un groupe de victimes, et une tension qui repose sur l’attente de ses apparitions.

L’un des grands tournants du film, c’est la prise de conscience complète de Chucky. Fini le doute sur sa nature ou ses intentions : il sait qui il est, il connaît ses limites et ses capacités. Le spectateur, lui aussi, entre dans le jeu : plus de mystère, plus de révélations, tout est clair. Ce changement de ton transforme le film en une chasse implacable, où la question n’est plus qui est Chucky ? Mais jusqu’où ira-t-il ? La scène finale souligne ce basculement : Chucky comprend qu’il ne pourra jamais redevenir humain, qu’il est condamné à vivre dans ce corps de poupée. Ce moment d’acceptation fait de lui un monstre tragique, mais aussi une icône du mal absolu, au même titre que Freddy Krueger ou Jason Voorhees. Charles Lee Ray disparaît ; Chucky naît véritablement.

Brad Dourif reprend son rôle de Chucky avec encore plus d’énergie et de cynisme. Sa voix, à la fois rauque, ironique et hystérique, donne à Chucky une identité unique : mi-comique, mi-effrayante. Dourif pousse le curseur plus loin que dans le premier film, Chucky devient plus bavard, plus vulgaire, plus moqueur. Il insulte, ricane, jubile. Il incarne pleinement la folie du personnage, qui oscille entre humour noir et sadisme. Sans Dourif, Chucky ne serait sans doute pas devenu cette figure culte du cinéma d’horreur.

Kevin Yagher et son équipe livrent un travail impressionnant sur les effets pratiques et la mécanique animatronique de la poupée. Grâce à des technologies plus avancées et à une meilleure coordination des opérateurs, Chucky semble plus vivant que jamais. Ses expressions faciales sont plus nuancées, ses mouvements plus fluides, ses réactions plus naturelles. Dans le troisième acte, notamment lors du final dans l’usine, la poupée devient presque monstrueuse : fondue, déformée, méconnaissable, elle incarne physiquement la corruption et la haine du personnage. Yagher réussit ici à rendre Chucky terrifiant sans aucun recours au numérique, une prouesse artisanale devenue rare.

Chucky réussi également à renverser les codes du genre. Le spectateur se surprend à prendre parti pour Chucky. Non pas parce qu’il est moralement acceptable, mais parce qu’il est le seul personnage vraiment vivant, drôle et cohérent du récit. Ses victimes, souvent antipathiques (la famille d’accueil froide, la maîtresse autoritaire, ou encore les responsables cyniques de la société de jouets) deviennent presque des exutoires de sa vengeance. Cette inversion narrative transforme Chucky en anti-héros sarcastique, héritier de Freddy Krueger : on attend ses apparitions, on savoure ses répliques et, paradoxalement, on s’amuse de ses meurtres. Il n’est plus seulement le monstre : il est la star du film.

Alex Vincent et Christine Elise sont censés être les héros du film, mais ils paraissent bien fade face a Chucky. Vincent reprend son rôle d’Andy Barclay, mais son personnage manque de développement. Le film le présente davantage comme une proie que comme un héros. Il ne semble ni profondément traumatisé par les événements du premier film, ni véritablement actif dans son destin. Elise, qui incarne Kyle, une orpheline rebelle, apporte un peu de dynamisme, mais reste sous-exploitée. Leur relation aurait pu être le cœur émotionnel du film, mais elle demeure esquissée. L’absence de la mère d’Andy, internée dans un hôpital psychiatrique, et celle du policier du premier opus renforcent ce sentiment de rupture émotionnelle avec le film original.

C’est donc véritablement dans ce second film que Chucky devient une icône de l’horreur. Dégagé de toute symbolique sociale, il s’impose comme une force du mal pure, indestructible et charismatique. Le film ne cherche plus à critiquer la société : il veut divertir, effrayer, choquer. Et sur ce point, le pari est réussi. La dernière partie, située dans l’usine de jouets, résume à elle seule tout ce qui fait la force du film : rythme, tension, créativité visuelle et déchaînement de violence. C’est une conclusion spectaculaire et mémorable, qui scelle définitivement la transformation de Chucky en légende du cinéma horrifique.

Child’s Play 2 abandonne les ambitions critiques du premier film pour embrasser pleinement le plaisir du slasher. Ce choix, s’il appauvrit quelque peu le propos, rend le film plus direct, plus jouissif, plus iconique. Chucky y trouve enfin sa véritable identité : celle d’un boogeyman conscient, drôle et cruel, porté par la performance inégalable de Brad Dourif et le génie technique de Kevin Yagher. Malgré la faiblesse de ses personnages humains, le film s’impose comme le moment où Chucky cesse d’être un simple jouet maléfique pour devenir une icône immortelle de l’horreur moderne.

StevenBen
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le 21 oct. 2025

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Steven Benard

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