Citizen Kane n'est pas seulement un film, c'est une date clé dans l'histoire du cinéma. A seulement 25 ans, Orson Welles réalise un coup de maître, livrant une oeuvre d'une audace formelle stupéfiante qui redéfinit les codes narratifs et visuels. L'enquête journalistique sur la vie et le dernier mot mystérieux ("Rosebud") du magnat de la presse Charles Foster Kane sert de prétexte à une exploration fascinante de la construction de l'identité et de rêve américain.

La virtuosité de Welles explose à l'écran. Il utilise la profondeur de champ de manière inédite, permettant à l'action de se déployer avec une clarté égale de l'avant à l'arrière-plan, et impliquant ainsi une contribution plus active du spectateur. Les angles de caméra en plongée et contre-plongée (souvent pour montrer les plafonds, une rareté à l'époque) écrasent ou grandissent les personnages, soulignant la psychologie et le pouvoir de Kane. Le montage non-linéaire en puzzle, avec ses multiples flashbacks et points de vue, est d'une modernité absolue, dépeignant le héros comme une figure complexe et ambigüe, un mélange d'idéaliste et d'escroc, d'égoïste et d'homme de talent. Ce traitement met en lumière la difficulté d'accéder à l'intériorité d'un personnage puissant.

Au-delà des innovation techniques, le film est une satire sociale incisive et incroyablement actuelle (car intemporelle) sur la soif de pouvoir et le matérialisme moderne. La trajectoire de Kane, qui tente d'acheter l'amour qu'on lui a ôté dans son enfance, résonne comme une tragédie universelle sur l'échec personnel malgré la réussite publique. L'accumulation vaine d'objets dans son palais gothique, Xanadu, symbolise un vide impossible à combler. L'oeuvre évite l'écueil de la propagande, cherchant à comprendre même un personnage détestable et vaniteux. En refusant de donner une réponse simple à l'énigme Kane, Welles force le public à une réflexion nuancée. Citizen Kane est un chef-d'oeuvre qui, malgré un échec commercial initial, a fini par être reconnu comme un modèle et une référence majeure, changeant à jamais la face du cinéma.

Ludokhan
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le 31 oct. 2025

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