Avec ce film de guerre un peu trop réaliste pour être complètement postapocalyptique, Alex Garland questionne le rôle des médias dans une société polarisée.
Dans un futur proche, les États-Unis sont en guerre civile. La Floride, la Californie et le Texas ont fait sécession d’un état fédéral dirigé par un président qui a tendance à trop enchaîner les mandats. Quand Lee (Kirsten Dunst), une photographe de guerre, et Joel, un journaliste accro à l’adrénaline des champs de bataille, ont l’opportunité d’interviewer ce président acculé, ils n’hésitent pas à rallier Washington depuis New-York, quitte à traverser de dangereuses zones de guerre.
Après une série de films stimulants attenant au fantastique ou à la science-fiction, le réalisateur Alex Garland débarque sur le terrain du thriller politique. Le contexte postapocalyptique n’est pas sans rappeler 28 jours plus tard, célèbre film de zombies dont Garland est le scénariste. Comme d’habitude, l’auteur anglais surprend là où on ne l’attend pas. Bien que la situation évoque les trumpistes incapables de reconnaître la défaite de leur président, le film parvient à annihiler ces liens avec le contexte politique américain actuel en présentant une alliance improbable entre le Texas et la Californie. La composante politique du film ne commente donc pas le contexte géopolitique actuel mais s’intéresse plutôt aux causes d’un monde occidental sévèrement polarisé et incapable de discuter. Pour ce faire, Garland s’attarde sur les journalistes et plus largement sur les médias, soit les vecteurs d’information et de dialogue au sein de la société. Dans Civil War, le système médiatique est présenté comme une sorte de bulle où les protagonistes sont à la fois protégés des crises qu’ils couvrent tout en étant plongé sur le front des conflits. A force de couvrir des drames et des situations où l’horreur humaine prédomine, ces journalistes deviennent insensibles et perdent toute humanité. Insensibilisation nécessaire pour couvrir objectivement des faits abjects ou transformation des médias en vecteur des puissances en cours ?
Si cette question est passionnante au niveau théorique, elle accouche d’un film froid, certes parsemé de moments brillamment mis en scène, mais passablement répétitifs pour un résultat finalement assez téléphoné. Le projet de Civil War date de 2020, une époque où les images quasi quotidiennes de scènes de guerre aux portes de l’Europe (et plus loin aussi) ou encore l’attaque du Capitole n’avaient pas encore sidéré le monde occidental. Dès lors, le contexte actuel amenuise probablement l’impact des images de Civil War mais le problème principal du film est une opposition assez grossière entre une novice (Cailee Spaney) et une photographe de guerre reconnue (Kirsten Dunst). Cette caractérisation lourde pénalise également tous les autres personnages principaux, amenuisant ainsi l’empathie et l’intérêt qu’on pourrait leur porter. Ou alors serait-ce la démonstration de Garland que nous sommes déjà tous « insensibilisés » ?