Je crois que j'avais commencé à le voir une fois, et que j'avais laissé tombé à cause d'une scène dialoguée interminable, à la Tarantino, dans laquelle deux tarés font assaut de bêtise pour exposer leur conception de la vie. Je devais avoir les nerfs en pelote ce jour-là. Cette fois, j'ai pu dépasser ce long pensum, supporter le suivant, entre des tocards d'un autre genre, puis encore le suivant, qui aligne aussi les débiles comme des perles sur un chapelet, tandis que les discours politiques forment une toile de fond ronflante tout en contraste avec les agissements mesquins des personnages. Pendant que les candidats à la présidentielle américaine débitent leurs âneries patriotiques, la pègre se met elle aussi à la page, au cours d'une mutation qui en dit long sur la niaiserie de notre monde : finis les malfrats autoritaires et pleins d'un panache mortifère qui dézinguent à tour de bras; les décideurs sont désormais des comités indécis, comme dans n'importe quelle entreprise. Et les employés, qui jadis ployaient sous l'effet de la volonté d'un seul maniaque, courbent désormais l'échine devant une hiérarchie injoignable, qui ne profite jamais de l'expertise des hommes de terrain parce qu'elle vit hors-sol. Une critique des mafias sous toutes leurs formes, donc, de l'entreprise à la politique, qui, dans l'état actuel des choses, suivent des parcours parallèles en direction du pire. Curieusement, ce film semble regretter la déshumanisation du crime. Un propos parfois cocasse que le personnage désabusé joué par Brad Pitt regarde avec une circonspection décontractée qui cache mal sa désapprobation. Et, finalement, ce taiseux raisonnable au milieu de bavards décérébrés, crée une zone de silence bienvenue, bien qu'il passe ses journées à abattre d'obscurs abrutis sur l'ordre d'abrutis parvenus. Bref, une plongée acide dans l'univers des films noirs, menée d'une façon décalée, sans aucun glamour, même si la violence s'y trouve parfois curieusement stylisée, ce qui dessert un peu le propos. Une particularité : strictement aucune femme ne joue le moindre rôle dans cette histoire. On en distingue une ou deux à l'horizon, mais de façon totalement périphérique. Il ne s'agit pas de leur forme de folie, c'est une histoire d'hommes, et ça ne la rend pas plus sympathique, car elle dresse un portrait particulièrement impitoyable d'une certaine forme de bêtise masculine.