Il y a des films qui vous prennent à contre-pied, et d’autres qui vous laissent sur le bas-côté. Cold Turkey de Will Slocombe appartient à cette seconde catégorie. Derrière son décor de repas de Thanksgiving et ses airs de comédie dramatique, le film promet un festin émotionnel, mais ne sert qu’un plat insipide, presque indigeste. Une œuvre qui semble vouloir parler de la complexité des relations humaines, mais qui s’enlise dans la banalité et l’ennui.
Dès les premières minutes, le film installe une ambiance lente, pesante, sans véritable tension ni dynamisme. Plutôt que de faire monter un climat de malaise, Cold Turkey donne surtout l’impression de stagner. Les scènes s’enchaînent sans souffle, les conflits émergent sans intensité, et le spectateur, lui, décroche. J’ai eu la sensation d’attendre un décollage qui ne viendrait jamais. Tout reste au sol, englué dans une mise en scène qui manque cruellement d’élan.
On perçoit bien une tentative d’auteur : celle de construire une comédie dramatique minimaliste, ancrée dans des tensions sous-jacentes. Mais à force de jouer la carte du non-dit, Slocombe finit par ne rien dire. Les enjeux narratifs sont flous, les rapports entre les personnages trop esquissés pour être crédibles, et l’émotion reste absente. Tout semble sous-joué, voire désinvesti. C’est comme si le film lui-même n’y croyait pas tout à fait.
Dans un huis clos familial, les personnages sont censés porter le récit. Ici, ils peinent à exister. Aucun n’évolue réellement, aucun ne surprend. On reste en surface, confronté à des figures souvent figées, qui déclament des dialogues mécaniques sans réelle saveur. On observe, mais on ne ressent pas. C’est d’autant plus regrettable que l’angle était prometteur : explorer le cynisme moderne d’une famille bourgeoise rongée par ses contradictions. Mais l’exécution laisse froid.
Visuellement, Cold Turkey ne prend aucun risque. La photographie est plate, la réalisation sans relief. On aurait pu imaginer un style visuel plus tranchant, capable de renforcer la dimension critique ou absurde du propos. Au lieu de cela, le film reste neutre, presque transparent. Comme s’il voulait s’effacer derrière son sujet — mais sans jamais vraiment le servir.
Cold Turkey voulait sans doute être un drame familial grinçant, subtil et dérangeant. Mais faute de rythme, d’incarnation et de regard tranchant, il devient un objet mou, fade et vite oubliable. Ce n’est pas un désastre absolu, mais c’est l’un de ces films dont on sort en se demandant : pourquoi raconter ça, et surtout, pourquoi comme ça ? Une dinde trop cuite, qui ne laisse en bouche qu’un goût de déception.