Misère des puissants, puissance des misérables

Avec ce titre, Fernando Di Leo s’éloigne du milieu de la pègre pour proposer une œuvre plus proche du quotidien des Années de Plomb. Le sujet du rapt est, en effet, plutôt commun à l’époque et il donne l’opportunité au réalisateur de livrer son film le plus politique. En mettant en scène le kidnapping du fils d’un homme d’affaires fortuné et celui d’un prolétaire, le film dénonce le rôle de l’argent dans la société italienne. Les puissants commandent et les autres trinquent. Ainsi, lors d’une première partie dépourvue d’action, on y voit le personnage interprété par James Mason mener la négociation pour la libération des deux gamins, reléguant celui incarné par Luc Meranda et la police tout entière à des spectateurs qui ont les mains liées (les fameuses...). L’amateur de polar d’action italien trouvera sûrement cette première partie quelque peu soporifique. Il ne s’y passe pas beaucoup de choses : le récit est rudimentaire, les interprétations assez peu convaincantes et le discours politique léger comme une enclume.


La deuxième partie du film se rattache de façon plus évidente au genre qui nous occupe. Une fois les négociations ayant conduit à un drame, Colella relègue Filippini qui n’a plus qu’une petite scène à l’écran. Le règne de l’argent a causé le chaos mais les personnes fortunées ne sont plus concernées par les conséquences de leurs actes. La responsabilité du personnage joué par James Mason est montrée du doigt mais pas au point de pousser à la vengeance. En cela, le récit ne va peut-être pas au bout de sa logique. Si l’exécution de la vengeance est classique, elle est traversée de très bonnes séquences, notamment lorsque Colella parvient à retrouver les petites mains qui ont retenu son fils prisonnier. Poursuites en motos (avec Luc Merenda qui exécute lui-même quelques cascades), échanges de coups de poing ou de révolver, Fernando Di Leo en donne alors pour son argent aux spectateurs frustrés par la première heure.


Comme un récit circulaire, Colella, parti mettre la main sur les kidnappeurs dans des lieux plutôt ruraux, revient ensuite en ville, là où se trouve les commanditaires qui sont, de nouveau, des hommes d’affaires, le rapt étant perçu comme un simple moyen de s’enrichir. Expéditif, le final est pénalisé par son discours et son exécution qui marchent avec de gros sabots. En clair, même s’il a ses bons moments et si son sujet politico-social est franchement intéressant, le résultat déçoit quelque peu. On est très loin du Di Leo à la mécanique parfaitement huilée de la trilogie du milieu. Reste, même s’il n’est pas toujours inspiré, un joli casting et une partition signée Luis Bacalov qui ne cesse de faire des allers-retours efficaces entre des thèmes rythmés pour l’action et des thèmes mélancoliques qui rendent justice au ton très noir de l’ensemble.


5,5/10

Play-It-Again-Seb
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il y a 1 jour

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