Devenus la terreur des esprits tourmentés et autres démons sur grand écran au fil de leurs aventures, les Warren font donc leur grand retour avec un quatrième opus pensé comme l'apothéose du premier pan d'un univers cinématographique qui n'aura cessé de s'étendre autour de ses créatures infernales (la poupée Annabelle, la nonne démoniaque Valak, la Dame Blanche), faisant du Conjuring-verse une sorte de début d'équivalent surnaturel à la franchise super-héroique du MCU.

Problème, si les deux premiers "Conjuring" ont convaincu une majorité de spectateurs (auxquels on y rajoutera pour notre part, le sympathique "Annabelle 3", d'ailleurs centré sur la fille Warren) et ont constitué une base solide à une possible expansion sous forme de spin-offs, il faut bien dire que ceux-ci n'ont guère ensuite briller par leurs qualités ni par leur originalité, se contentant le plus souvent de décliner la même recette éprouvée de façon assez médiocre (si ce n'est ridicule, on a encore la soutane de "The Nun 2" en travers de la gorge rien que d'y repenser).

Pire encore, James Wan ayant délaissé la caméra pour passer la main à Michael Chaves, auteur du vraiment à maudir "La Malédiction de la Dame Blanche", le troisième épisode de la saga-mère avait déçu une grande partie du public, faisant vaciller le socle qualitatif de cet univers pour l'abaisser vers le dangereux niveau de ses ersatz (sur ce point, on se montrera plus mesuré, s'il n'était plus à la hauteur des ses prédécesseurs visuellement ou en termes d'ambiance, "Conjuring: Sous l'Emprise du Diable" avait pour lui quelques bonnes idées comme, par exemple, celle d'une antagoniste maléfique humaine en réponse aux Warren).

Passons sur les débats sur ce qu'étaient les Warren en réalité et sur ce que le cinéma en a fait (des escrocs devenus des super-héros du paranormal par la fiction), la venue du bien nommé "Conjuring: l'Heure du Jugement" est désormais le moment idoine de juger si le Conjuring-verse est capable de se reconsolider autour de sa source première et de démontrer si ce dernier tour de piste de ses visages les plus emblématiques incarnés par Patrick Wilson et Vera Farmiga a les atouts nécessaires pour le relancer sur de bons rails.


1986, Pennsylvanie. Un mystérieux miroir offert à une jeune fille catholique pour fêter sa confirmation entraîne une famille dans une spirale de manifestations malfaisantes.

De leur côté, retirés de la pratique de leur "métier" à cause des problèmes cardiaques d'Ed, les Warren coulent des jours paisibles tout comme leur fille qui file le parfait amour. Mais quelque chose venu de leur passé commun va les ramener au plus près du Mal. Ouais, avec un grand "M".


Dès son prologue se déroulant en 1964, lors d'une des premières affaires des Warren avec une Lorraine enceinte jusqu'au cou, le ton est donné: "L'Heure du jugement" revient clairement aux bases de la saga (et peut-être plus encore au deuxième opus), en liant intimement la teneur de la menace paranormale à la destinée de son couple et de leur fille dont l'existence est marquée au fer rouge par son empreinte ténébreuse. En un sens, toute la saveur du long-métrage qui va suivre se fait sentir au sein de cette ouverture: rien de fou au niveau des frissons délivrés malgré une certaine efficacité mais quelque chose qui marche fichtrement bien sur le terrain de l'émotion nostalgique en jouant sur l'attachement construite au fil des films autour du lien indéfectible de son couple (développé ici de surcroît avec une épée de Damoclès sur son fruit le plus précieux).


Et tout cela va se traduire plus frontalement par un bond dans le temps en 1986, époque où les Warren sont en bout de course de leur renommée, retirés des affaires paranormales à cause de la condition affaiblie d'Ed et rélégués au rang de reliquats extravagants du passé lors de leurs apparitions publiques. Si le manque de la pratique de leurs "talents" se fait sentir, notamment du côté d'Ed, c'est par leur rôle de parents aimants pas tout à fait comme les autres que ce quatrième épisode choisit avant tout de les dessiner, avec légèreté par l'intermédiaire d'un possible futur gendre en "Mon Beau-père Warren et Moi" mais aussi avec une réelle affection via la relation particulière entre Lorraine et sa fille Judy, dominée par le partage de ce même don hors du commun et legs maudit lourd à porter.

Évidemment, la faille du passé laissée ouverte par les Warren lors des premières minutes ne va pas être sans conséquence et, si elle va venir se manifester en premier lieu dans une famille victime tout autant prétexte que "miroir" aux démons endormis de la leur (avec un mal oublié ou que l'on cherche à taire par le silence mais qui finit par tout supplanter), elle va surtout réveiller les chaînes démoniaques du poids parental qui entravent Judy vers sa propre voie et amener tout le clan Warren à chercher à l'en en libérer en acceptant un dernier combat.


Comme on l'a évoqué, du côté de ce dernier en lui-même, ce quatrième opus ne bouleverse jamais vraiment les codes habituels d'épouvante de la saga, se contentant de répéter la plupart du temps, et ce jusqu'en dans sa construction, une formule qui a fait ses preuves entre les mains expertes de James Wan mais on sent tout de même ici Michael Chaves bien plus à l'aise que sur le film précédent, capable de délivrer de bons jumpscares à défaut d'etre réellement inventifs (mention spéciale à ceux qui mettent en scène la plus vieille protagoniste des apparitions) et une dernière partie cédant certes à des effets grandguignolesques d'affrontement final (le miroir frappadingue méritait bel et bien une camisole) mais où l'on sent le réalisateur bien plus à l'aise pour conjuguer les effets dantesques aux reflets intimes qu'ils traduisent des personnages dans l'adversité.


Car, si les tenants et aboutissants paranormaux de cette affaire ne seront pas les plus marquants de la saga, c'est bien dans ce qu'ils représentent comme point final à une ère du "Conjuring-verse" que "L'Heure du Jugement" trouve une belle ampleur émouvante, devenant même susceptible d'arracher plus de larmes que de frissons (ce qui a été notre cas).

À la fois exutoire d'un ultime boulet maléfique venu du passé qui risquait d'emporter leur fille et chant du cygne de ces enquêteurs du surnaturel promis à une retraite bien plus paisible, le film de Michael Chaves est un parfait rappel de tout ce qui nous a fait aimer son duo de personnages (la fille et son petit ami sont également des derniers arrivants convaincants), son épilogue est d'ailleurs pensé comme un joli adieu en ce sens, nous faisant applaudir parmi une foule d'invités reconnaissables (dont un plus illustre encore qui s'y mêle... mais, chut, on ne gâchera pas la surprise) pour mieux nous laisser une dernière fois sur un simple plan d'Ed et Lorraine réunis, coeur émotionnel indiscutable de cette saga.


Il est même un peu dommage que le générique cède aux sirènes habituelles de connexion à la réalité des Warren, avec des images d'archives, ce ne sont pas eux que le film salue et loue en son sein mais bien leurs doubles de fiction, incarnés pour la dernière fois à la perfection par Wilson et Farmiga.

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