"N'écoutant que son courage qui ne lui disait rien, il se garda d’intervenir»: c'est ce délicieux aphorisme de Jules Romains, placé en exergue du film, qui a donné l’idée à Yves Robert et à son scénariste Jean-Loup Dabadie d’écrire un scénario sur un personnage lâche et timoré au delà de l'imaginable. Le sujet est original mais il aurait pu être mieux traité. Le film commence assez laborieusement, avec une sorte de faux documentaire qui retrace l’histoire de la famille Belhomme et sa cohorte de mâles apeurés qui ont fait de la lâcheté un viatique transmis de père en fils. La suite se présente comme une suite de saynètes plus ou moins drôles, filmées à la va comme j’te pousse par un Yves Robert moins inspiré que d’habitude. Comme dans nombre de comédies, c’est la confrontation entre deux personnages que tout sépare qui crée le ressort comique de l’histoire. Cela nous vaut quelques scènes pleines de drôlerie non-sensique, à commencer par une folle chevauchée à moto conduite à une allure d’escargot par Martin, au désespoir de sa blonde passagère qui finira par prendre le guidon elle-même. Autre excellente séquence (qui bien développée aurait pu faire l’objet de tout un film), celle où Belhomme/Rochefort retourne dans sa famille et fait semblant d’être amnésique pour ne pas devoir se confronter à la réalité. Bien entendu, Jean Rochefort, qui a le physique de l'emploi, est parfait dans ce rôle très peu glorieux, tout en indécision et en pleutrerie qui le conduit aux actes les plus inattendus. Mais pas sûr que c’était le meilleur choix: on imagine difficilement que la flamboyante Deneuve au sommet de sa sensuelle beauté (on adore ses deux numéros chantés) puisse tomber amoureuse d’un être aussi timoré. Rochefort, pour excellent qu’il soit, n’a pas le charisme d’un Cary Grant ou d’un James Stewart, des comédiens qui ont donné le meilleur d’eux-mêmes dans des rôles de distraits et de maladroits sans rien perdre de leur charme irrésistible. Et Yves Robert est loin d’avoir le sens du rythme d’un Capra ou d’un Hawks.

SteinerEric
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le 14 oct. 2020

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Eric Steiner

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