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L’avis sans spoil : Vous avez aimé « Old Boy » ou « Limbo » (2021) ? Vous pourriez aimer… Sinon fuyez !

À partir d’ici ça spoile sévère et sans balise. La critique est trop longue mais j'avais besoin de me défouler...

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[Edit : quelques corrections et l’ajout de cette critique de l’homme grenouille qui dit tout pareil en mieux : https://www.senscritique.com/film/decision_to_leave/critique/271845155

Je laisse quand même la mienne... ]


- Ça va saké -

« Mais ce sont pas des japonais ! » « Tant pis, ça va saké quand même ! »

Je partais dans ce film sans avoir compris qu’il s’agissait du réalisateur de « Old Boy ». On ne pourra donc pas me reprocher le parti pris que j’ai contre cet auteur… Ça confirme juste que son travail n’est pas ma tasse de thé.

Au début, le maniérisme saute aux yeux mais je suis bienveillant. C’est artificiel mais je me dis que c’est bien de tenter des choses nouvelles, certaines étant plaisantes. Rapidement, l’exercice me paraîtra une illustration de la « forme au détriment du fond ».

Je vois aussi la contamination des codes de la bédé et du manga qui fait presque toujours mauvais ménage avec le cinéma. Dans l’absolu pourquoi pas mais ça fonctionne rarement. Chaque plan devient l’occasion de partir en freestyle sans que l’esthétique ait un propos. Comme une vignette cool de bédé, sauf qu’une bédé a besoin de ce cool car elle n’a pas de mouvement. Au cinéma, ça fait surcouche le mouvement plus le cool. Le cinéma et la bédé, rien de plus opposé.

J’aurais apprécié que le film s’investisse plus dans la sensualité des écoutes et moins dans les plans gratuits comme celui de la montée de la montagne qui est assez absurde quand on y pense. Il est filmé horizontalement, donc plus de sensation de vertige pour le spectateur, alors que le personnage flippe, quel intérêt à part avoir fait « original » ? Qu’est-ce que ça signifie ? Rien. Même pour faire de l’humour sur le dos de l’acolyte, fais-moi ressentir son vertige !

L’aller-retour entre la position physique des personnages et ce qu’ils pensent ou entendent aurait pu donner quelque chose de plus intense si ça avait été investi complètement. Je pense à l’exemple de « Panic Room » de Fincher. On peut être maniéré et apporter du sens, du ressenti et de l’immersion.

Je me suis senti au milieu du gué tout du long de l’exploitation de cette idée. Le zoom vertigineux vers la jumelle aurait pu rebondir dans le reflet pour retourner vers l’observée, par exemple. À faire artificiel et formel, autant y aller, jusqu’à ce que ça redevienne du sens par hyperformalisme… Ici tout est un peu vain. On n’est nulle part vraiment. La sensation que tout est gratuit s’installe.


- L’odeur de tes doigts d’honneur -

La sensualité entre les personnages est rapidement surlignée au stabilo. On nous montre biiiieeeennn qu’il renifle les doigts de la fille. Qu’elle le renifle en retour. Pareil pour les autres sens, les frôlements, l’acte de cuisiner... Le film me dit que c’est ce qui se passe mais je ne le ressens pas pour autant. C’est du déroulé de scénario.

Ça sert juste à gâcher l’excellent casting. Car au moins sur ce point, le film nous donne le plaisir de retrouver beaucoup d’acteurs croisés dans des films de ces deux dernières décennies. Les retrouvailles, bien que chaleureuses, sont étranges.

Tous les clichés du film asiatique sont là mais sous-exploités. La bouffe et le désir, ou la bouffe et les sentiments... toussa… Ce qui fait qu’on n’a ni l’avantage d’un cliché - qui apporte la confiance d’une convention - ni la sincérité d’une idée personnelle. Tout est survolé, les sushis, la clope, les parfums – à part, peut-être, la douceur des mains mais uniquement parce qu’ils ont valeur d’indice dans l’histoire. Et les personnages sont traités pareillement, ils entrent et disparaissent du film au gré des besoins du réalisateur sans aucune consistance. À quoi sert le deuxième flic ? Et sa compagne officielle ? Que traversent-ils ? Ils ne sont que du décor.

Finalement, toute l’intrigue policière vient gâcher l’expression des sentiments. Au lieu de les rendre troubles, elle les rend inintelligibles. On perd du temps dans un scénario alambiqué qui se veut intelligent mais n’y arrive pas. Le « maniérisme » du scénario est pire que celui de l’image.


- Let’s do the Twist -

Au bout d’une heure ma patience avait été bien entamée. Les personnages faussement énigmatiques étaient lisibles à des années-lumière (Elle brûle les photos ?! Y aurait-il baleine sous gravillon ?). En plus d’être très bêtes. Qu’est-ce qu’une suspecte vient participer aux enquêtes et brûler des indices. Il est en carton ce flic ? Le retournement de situation n’a du coup aucun effet...

J’ai bien compris que le sujet du film n’était pas dans cette révélation mais dans leur attraction. Dans ce désir en décalé. Il la veut d’abord, elle le veut ensuite une fois que son crime a tout gâché, quand c’est trop tard, et le crime les empêche de vivre leur amour. Mais trop de temps a été passé à la création d’un twist qui n’est même pas vénéneux. Et on part sur un 2e round de conneries, nouveaux gnons, nouveau mari, nouveau mort, nouvelles inconsistances. Et encore plus de temps perdu qui aurait pu servir à détailler ces sentiments empêchés. Du coup, quand la fin du film arrive, tout est mort pour moi…

Une deuxième fois, l’intrigue policière ne dit rien d’intéressant, fait semblant de nous présenter une histoire compliquée, en nous faisant perdre du temps sur les sentiments et la sensualité.

Ce n’était ni « Gone Girl » pour le suspense et les twists, ni « Les vestiges du jours » pour la violence des sentiments refoulés…


- Un film qui s’enlise et se noie doucement mais sûrement -

Une demi-heure en trop qui rend le film insupportable.

Je peux comprendre le geste mélodramatique – elle se tue en secret pour prouver son amour sans le gêner - mais après une telle purge ça fait plutôt ridicule… en plus de ne pas avoir de sens physiquement : sans rocher au cou, qu’est-ce qui force son corps à rester dans l’eau ? Stop quoi.

Ce type de geste a pu m’émouvoir, et le pourrait encore, même dans des codes clichés d’un certain cinéma asiatique. La fille qui se sacrifie en taisant son amour. Mais cette fille tête-à-claques, n’était plus crédible en petite collégienne taiseuse après avoir été tour à tour, une tueuse machiavélique, une soumise masochiste, une immigrée courageuse et une infirmière hors pair.

C’était très con et très insupportable, j’ai rarement été aussi impatient qu’un film finisse. Le peu de ce qui m’avait plu dans le film est allé se carboniser dans ma détestation finale. J’ai dit « pitié » à voix haute, quand j’ai compris qu’on allait nous remontrer des scènes du « passé ».

Car vient enfin pour m’achever les nerfs, la technique lourdingue, le souvenir remontré au cas où tu n’aurais pas suivi le film. Un petit coup de flash-backs et d’enregistrement audio, ou comment se retaper une scène qui n’avait déjà pas d’intensité au premier passage… Et après certains vont dire que c’est intelligent comme film... Si un film a besoin de tout surligner comme ça, c’est qu’il n’a pas confiance dans ses propres éléments et surtout pas dans son public. Je sais que c’est une astuce extrêmement utilisée, comme la voix off, dans de nombreux films et animés (et pas qu’en Asie). Mais là c’était trop.

Cerise sur la bouse : la musique qui avait été la seule chose vraiment bonne de ce film prend tout d’un coup des élans « joyeux » sur une fin dramatique. Joyeux, enlevé, majeur… je n’ai peut-être pas le bon terme mais j’ai bien eu l’effet. Ça n’avait aucun sens ! On se quitte sur un plan bizarre, pour ne pas dire mal filmé, et rideau !

Wow, 2h20 pour ça…


- Finalement, c’était pas si mal l’autre truc -

Je vais remonter d’un point un film comme « Returner ». Ces demi-nanars, un peu téléfilms, sont finalement plus jouissifs et sincères que ces films horriblement vains, prétentieux et sans queue ni tête comme « Limbo » ou « Decision To Leave ».

Ce qui est horripilant avec un tel film, c’est qu’il y a un très haut niveau d’artisanat (enfin pour les effets numériques bof bof bof). Une image impeccable, des travellings, zooms et autres mouvements de caméra super maîtrisés. Mais il n’y a pas de créativité là dedans. C’est de l’artisanat, pas de l’art.

Je ne comprends pas les critiques dithyrambiques (je comprenais encore moins celles sur Limbo qui est un des pire films que j’ai vu). Pas non plus celles qui disent que c’est mieux que du blockbuster américain. C’est du blockbuster asiatique. Il doit y avoir un préjugé positif à l’exotisme coréen et japonais… Une coolitude dépaysante à laquelle je suis totalement imperméable en dehors des mangas/animé, et encore pas tous, loin de là.

Franchement, si je n’avais pas d’autres points de repère, je me serais totalement remis en question, je me serais dit que je devenais un vieux con et que les films modernes n’étaient pas pour moi (après Emilia Perez, The Substance et tant d’autres). Mais en réalité des films artificiels ou foutraques récents m’ont plu (Poor Things, Triangle of Sadness, Everything Everywhere All At Once, etc.), ça n’est donc pas ça. Surtout, nous étions trois, et nous nous sommes tous bien ennuyés devant ce film que nous avons trouvé simplement mauvais.

Non décidément, pour moi, c’est du mauvais cinéma.


J’ai lancé des piques au maniérisme, aux clichés et à l’artisanat mais c’est un faux problème. Un bon auteur peut toujours faire avec toutes ces choses là. J’ai cité Panic Room à raison. Pour l’artisanat il y a toujours le risque que la production ou les collaborateurs aient forcé la main du réalisateur mais depuis « Old Boy » on sait que c’est sa patte, son choix sa responsabilité.

Et même sous influence trop forte de collaborateurs, il y a mieux à faire. Je pense aux showrunners de séries qui assemblent tous les talents d’écriture et de réalisation pour arriver parfois à des chefs-d’œuvre collectifs. Mais l’exemple inverse est tout aussi fréquent avec des films formatés où l’on utilise ce que chacun sait déjà faire au détriment de l’œuvre (particulièrement les studios de CGI, c’est la période des particules, vous allez bouffer des particules)… Malgré toutes mes attaques sur l’artisanat qui a dévoré le cinéma ces deux dernières décennies, un bon film d’artisanat où le scénario aurait été peut-être plus simple mais honnête, ainsi que la réalisation et le visuel, aurait peut-être su me toucher. Ou au moins faire le job à minima comme le très moyen « Kimi » (premier exemple qui me passe par la tête).

C’est ma conclusion. Artisanat, auteur, production peu importe le responsable tant que j’ai un film qui ne pète pas plus haut que son cul. C’est quand même un peu le cas ici.

J’ai du mal à ne pas voir un film jusqu’au bout mais j’aurais peut-être du prendre la décision to leave la salle.


Bonus : J’étais assez content que le passé Chine-Japon-Corée soit mentionné, mais comme je trouve le film mauvais ça me semble gratuit, facile et pas respectueux. C’est une péripétie que l’auteur prend par dessus la jambe. Hop. Donc même ça… *baille*


2/10 et ne le reverrai jamais

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JaiVuTout
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le 26 sept. 2025

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JaiVuTout

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