Des saumons dans le désert (Salmon Fishing in the Yemen, 2011) est un film qui séduit par son idée originale : faire migrer des saumons vers un désert, comme métaphore de la foi et du changement. Une promesse poétique, portée par une mise en scène élégante et un trio d’acteurs solides. Pourtant, malgré cette belle intention, le film reste souvent en surface, là où on aurait aimé qu’il plonge davantage dans la complexité de ses personnages et de ses enjeux.
Lasse Hallström a le don de filmer des récits doux-amers, teintés de tendresse et d’ironie. Ici, il met en scène l’improbable projet d’un cheikh yéménite de peupler son désert de saumons écossais. L’histoire navigue entre utopie écologique, comédie romantique et satire politico-médiatique. Le résultat ? Un cocktail plutôt agréable, mais qui manque parfois de consistance.
Le film repose en grande partie sur ses interprètes, et à ce titre, le casting est l’un de ses points forts.
Ewan McGregor, dans un contre-emploi touchant, incarne Alfred Jones, un scientifique coincé, passionné par les poissons mais hermétique à l’humain. Il réussit à rendre attachant ce personnage austère, tout en nuances, dont l’évolution est subtile mais crédible. Son jeu est tout en retenue, presque à l’image du film : pudique, mais un peu trop contenu pour marquer durablement.
Emily Blunt, de son côté, apporte une fraîcheur bienvenue. Elle incarne Harriet, jeune femme vive et sensible, tiraillée entre sa vie professionnelle et un drame personnel. Son naturel, son regard expressif et sa manière d’insuffler une forme de fragilité contenue rendent le personnage vivant, humain, sans jamais sombrer dans le pathos. Son alchimie avec McGregor fonctionne, même si elle reste plus suggérée qu’explorée.
Mais c’est sans doute Kristin Scott Thomas qui vole la vedette à chaque apparition. Dans le rôle d’une communicante du gouvernement britannique, elle injecte une énergie féroce, cynique et jubilatoire. Sa présence dynamise les scènes, offrant un contrepoint décapant à la lenteur ambiante. Elle semble jouer dans un autre registre, mais sa performance donne au film le souffle sarcastique qui lui manquait parfois.
Le film propose des thématiques intéressantes : croire en l’impossible, transformer le réel par la foi et l’imagination, renouer avec soi-même et avec les autres. Mais ces pistes, bien qu’évoquées, sont rarement approfondies. Le scénario suit un déroulé très linéaire, parfois trop prévisible, et peine à instaurer une véritable tension dramatique. On sent les intentions, mais elles manquent d’un ancrage émotionnel plus fort.
Visuellement, Hallström offre des images soignées, jouant sur les contrastes entre la rigueur anglaise et les paysages chauds du Yémen. L’ambiance visuelle reste cependant assez sage, comme le reste du film. La musique accompagne le récit avec discrétion, sans trop d’éclat, à l’image d’un film qui préfère la délicatesse au bouleversement.
Avec une note de 6.5/10, mon ressenti est celui d’un film plaisant, parfois émouvant, mais qui aurait pu aller beaucoup plus loin. C’est une œuvre à la fois charmante et frustrante, comme une promesse de poésie qui ne se réalise qu’à moitié. On y trouve de belles idées, des personnages attachants, et quelques moments sincères… mais aussi beaucoup de retenue, là où l’on attendait un peu plus de souffle, d’audace ou d’émotion.