Je déteste le titre. Le retenir est un casse-tête inutile.

D’abord il sonne mal. DEUX MOI : choc phonétique de syllabes sourdes. Ensuite MOI (S) est polysémique. S’agit-il du nom, du pronom, du mois de juillet ou d’août ? Enfin son abstraction rebute. Qu’est-ce qu’un MOI ? Mystère et boule de gomme !

Le film raconte le quotidien parisien de deux anti-héros de trente ans embourbés dans la dépression. Métro, boulot, dodo perturbé. Rémy Pelletier (François Civil) devient insomniaque à cause d’un plan social chez Amazone. Chercheuse en immunologie sur le cancer, Mélanie Brunet (Ana Girardot) se réfugie dans des nuits à rallonge.


Pourquoi me fendre d’une critique ? Les vies parallèles d'oiseaux maladroits, mutiques et transparents m’intéressent modérément. Mais le film infuse au fil des heures, j’y repense. Serait-il si superficiel et banal ? Cédric Klapisch mène une enquête psycho-sociologique sur deux déracinés ballottés entre Stalingrad et Barbès. On retrouve quelques thèmes de ses films : la jeunesse des quartiers populaires, la quête d’un chat, le rôle social de la danse... Rémy et Mélanie subissent la solitude, en souffrent, s’infligent une vie routinière. Un chaton recueilli par Rémy formerait-il un lien entre eux ? Mélanie ne surmonte pas le chagrin d’avoir été larguée par un amoureux. Grâce aux sites numériques, elle multiplie rencontres et échecs avec des hommes qui ne sont pas son genre.


L'humour parfois pointe sa truffe quand le patron de l’épicerie arabe joue au psychologue social, donne des conseils d’achats qui garnissent son tiroir-caisse. Il oriente ses clients vers le cours de danse de son gendre. Leur farandole devient une ronde où leur argent fait des petits ! Comme opérateurs téléphoniques anonymes d’une plateforme numérique, Rémy et une collègue font connaissance en s’interpelant entre deux appels par leur numéro de poste de travail... Elle pratique assidument la danse, espère le convaincre d’être son cavalier.


Et nos voisins qui s’ignorent commencent une psychothérapie, correspondant à leur niveau social. François Berléand rayonne d’empathie malgré l’usure de l’âge et la souffrance de sa patientèle. Réussir à faire parler un Savoyard taiseux dans un CMP anonyme, chapeau ! Socrate Berléand, sage-femme de l’art, joue du silence partagé en virtuose, fait jaillir les traumas afin d’accoucher les esprits.

De son côté la psy (Camille Cottin) accueille Mélanie dans un confortable et sécurisant cocon bourgeois. Ancrée dans le mental, elle verbalise selon Freud, aime lâcher des formules mémorables. Le rôle des psys s’affirme, ouvre un luxe d’intériorité et de réflexion. Dans le flux quotidien, cultiver sa vie intérieure est difficile mais précieux. Rémy et Mélanie s’y exercent à tâtons, chacun de leur côté, vaille que vaille. Et comme tout finit en France par des chansons, la danse revient clore le film, la danse, accord des corps par le rythme.

lionelbonhouvrier
6

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Créée

le 26 oct. 2025

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