Le projet arrive comme une impasse dans les mains d’un Mike Flanagan qui n’a pas peur des défis. Fan comme il est de Stephen King et de Stanley Kubrick, il y avait de quoi tirailler un réalisateur entre deux bords sans pouvoir satisfaire tout le monde. Mais sur l’écran, le résultat a prouvé le contraire, réconciliant ainsi l’auteur à son œuvre, tout en puisant dans les bases qu’a installé Kubrick. Surprenant et jouissif, ce second volet se détache tout de même de l’angoisse permanente et claustrophobique de l’Overlook Hotel. Proche du roman néanmoins, cette suite résonne comme l’apogée d’un parcours symbolique et mythologique pour ses personnages, torturés par leurs « dons » et chatouillés par l’odeur de la mort.


On retrouve alors un Danny (Ewan McGregor), encore traumatisé par le drame qui l’a laissé seul avec sa mère. Mais c’est en apprenant à affronter ses démons qu’il pourra vivre et s’épanouir. Arrivé à l’âge adulte, il manquera toutefois de repères, faute de liens fraternels ou parentaux. Il n’est plus que l’ombre de son père en voie de guérison, mais il ne sera pas le seul à fuir sa condition cette fois-ci. On s’ouvre à une Amérique qui possède ses secrets, ses vices et ses espoirs. Ce qui nous amène à une antagoniste cruelle et audacieuse, mais manquant de lucidité dans un dernier acte pourtant alléchant. Rebecca Ferguson donne malgré tout à son personnage Rose une férocité pétrifiante, qui n’a pas à rougir des vices de la chambre 237. À sa manière, elle incarne l’avarice au sein de son groupe. Dommage que la portée ne dépasse pas le manichéisme, comme le roman a pu le justifier, car nous ne pouvons rien voir d’attachante dans cette communauté, aspirant à l’éternité. Rien à voir avec l’Overlook qui est plus complexe à réexploiter, pourtant cet antagoniste suprême sera bien de retour, avec Danny comme ambassadeur horrifique et nostalgique.


Le vampirisme est dans la veine de l’intrigue, mais l’on se permet des libertés cinématographiquement viables. Moins glauques que le papier, le visuel a parfois tendance à rester superficiel ou trop explicatif. Certaines scènes perdent de la saveur, notamment lors de repas qui devraient davantage provoquer un spectateur qui n’est pas venu pour du tout public, mais pour tâter la crédibilité. Danny assume en partie son rôle paternel et de mentor, par crainte de sombrer dans l’enfance ou dans le reflet de son père. Mais la présence d’Abra Stone (Kyliegh Curran) permet de bien explorer les bas-fonds d’un pays en crise. Il s’étouffe, manque de ressources et est notamment addict à la violence ou à l’alcool. Mais dans ce mal-être, il y a l’étape de guérison qui constitue le fil conducteur du récit, comme un rituel afin de surmonter les traumatismes. C’est ce qui nous parle le plus et c’est ce qui viendra interpeller notre sensibilité, tout en nous laissant approcher selon notre degré d’implication.


Devions-nous douter de l’initiative de Flanagan, surtout après ses multiples prouesses sur la scène de l’épouvante-horreur ? Il a gravé son passage sur la récente série « The Haunting of Hill House » et il s’est montré patient et créatif avec deux univers qui semblaient ne pas pouvoir cohabiter. « Doctor Sleep » est loin du chef-d’œuvre, mais se positionne comme un immense hommage aux hommes qui ont permis au shining de s’exprimer, avec autant de nuances, de noirceurs et de mystères. L’équilibre est rétabli pour les fans, mais cela implique certains sacrifices, qui ne feront pas grimacer, comme la plupart des films impersonnels du moment. Il s’agit bel et bien la fraîcheur et cet automne, qui file et qui s’endormira profondément sur le retour gagnant de « Shining » et son héritage.

Cinememories
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le 31 oct. 2019

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