Visuellement impressionnant et doté d'une distribution de rêve, Doctor Strange me parait tourner en rond, s'enfermer dans des thèmes vus et revus, assez fades, et se reposer sur des personnages trop superficiels. Je reste sur ma faim.
Cette impression diverge à ma surprise d'une critique élogieuse assez unanime de la presse et du public, et m'a encouragé à partager (pour la première fois) un avis divergent sur de nombreux points. Bonne lecture !
Les premières fondations du scénario sont assez intéressantes. Un docteur arrogant est victime d'un très grave accident. Malgré lui, il doit se rendre à l'évidence et admettre l'impuissance de la chirurgie pour lui rendre toutes ses facultés physiques.
Il entame en dernier recours un voyage vers une médecine alternative et secrète. Il doit avant tout se battre contre lui-même, et oublier tous ses à priori pour appréhender une nouvelle manière de se soigner, et accepter de perdre le contrôle. Il démarre un parcours initiatique à travers sa conscience, guidé par une femme aux capacités et au passé très mystérieux . Petit à petit, il s'ouvre à un nouveau monde aux multiples dimensions et aux multiples possibilités. Il rencontre alors toutes les menaces qui pèsent sur ce monde et prend petit à petit ses responsabilités pour y faire face.
Le film repose sur la théorie du multivers, celle selon laquelle notre réalité, notre monde n'est qu'un parmi une multitude. Tout le film se construit ainsi sur la possibilité de bâtir des passerelles entre ces mondes. Malheureusement, il se contente de nous balancer les yeux de plein d'idées superficielles, de manière assez incohérente. Au début, je me plonge assez facilement dans cet univers, (ou plutôt multivers) : faire passer de l'énergie entre les mondes, voyager de l'un à l'autre. Mais petit à petit, on sombre dans une mosaïque d'idées à la fois peu travaillées et peu inspirées : téléportation, renversement de gravité, séparation du corps et de la conscience,... Pour moi, le vase déborde quand on s'attaque aux manipulations du temps : sauts et boucles temporelles, changement de sens ou arrêt du temps,... Était-il vraiment nécessaire d'en faire autant ?
Alors certes, on explore une multitude d'alternatives aux super-héros Marvel classiques, mais sans parvenir à créer une véritable unité cinématographique dans ces nouvelles pistes. Nouvelles, vraiment nouvelles d'ailleurs ? J'en doute, à aucun moment je ne suis surpris. Les scénaristes semblent s'être inspirés (le mot est faible) d'un panel de films divers en tentant de les joindre grossièrement : Inception, Interstellar, Matrix, Edge of Tomorrow, Harry Potter entre autres. Jamais le film ne parviendra à se former sa propre identité, en survolant seulement toutes ces inspirations.
Dans cet agglomérat, les personnages n'ont pas beaucoup de place. Tous les acteurs sont assez irréprochables, mais leur talent n'est pas suffisant pour donner du volume aux personnages, pas loin d'être des pions d'échec posés ici et là, d'un espace à un autre, d'un temps à un autre.
Je ne développerai pas les nombreuses et grossières facilités dans les transitions entres scènes et dialogues (l' "amourette" entre le docteur et son assistante interrompue par un appel d'un collègue par exemple).
Vous l'avez compris, Doctor Strange me parait manquer à la fois d'une identité et d'un fil conducteur, où je puisse en temps que spectateur, sinon me plonger, au moins m'accrocher.
Il n'en reste pas moins que Marvel tient son rang en termes d'impression visuelle. Dans les salles obscures, on en prend plein les yeux grâce à des effets spéciaux parfaitement maitrisés. La musique, les costumes, les décors, les jeux de lumière sont remarquables. Je rappellerai aussi l'interprétation sans faille de tous les acteurs, qui s'accompagnent de dialogues particulièrement justes, parfois drôles, peut-être plus que d'habitude d'ailleurs.
Avec cette distribution pour moi exceptionnelle, et une superbe bande annonce, je ne voulais manquer sous aucun prétexte le dernier Marvel. J'en ressors assez déçu, peut-être un peu trop exigeant, ou peut-être un peu lassé du genre, qui peine à se renouveler. Le temps atténuera probablement mon avis.