« –Dr Strange ! –Dr Who ? –No, Strange !”

Marvel continue d’introduire des super-héros totalement inconnus du public. Et pas n’importe qui dans le cas présent, puisqu’il s’agit du Dr Strange, maître des arts mystiques, pas le plus inspirant donc pour les néophytes… Marvel mise donc sur la confiance du public pour introduire un personnage qui ne suscite pas forcément beaucoup d’enthousiasme présenté ainsi, un peu comme Ant man il y a peu. L’occasion également d’introduire une toute nouvelle dimension, celle de la magie, des entités mystiques et d’une infinité d’autres réalités. Beaucoup de nouveautés en perspective donc, qui suscitait pour cette énième origin story beaucoup d’attentes. D’autant que la bande d’annonce laissait suggérer une ambiance un peu différente, en plus de prouesses visuelles époustouflantes. Ont-elles toutes été tenues ? Je considère que la réponse est un grand oui.



Prouesses visuelles



Commençons avec l’attente n°1 : l’univers visuel. Décors qui se transforment continuellement, du moindre détail des fenêtres, des portes ou des murs, dans un maelström fractal psychédélique. Temps qui revient en arrière avec chaque élément reprenant la place qu’il occupait, vortex s’ouvrant sur d’autres lieux, modification de la gravité, terres qui se superposent dans un jeu de miroir infini…
De quoi faire passer les scènes d’Inception pour tour de magie amateur !
L’univers entraperçu dans Dr Strange offre ainsi un large éventail de possibilités. On était déjà impressionné, quoique maintenant habitué, par les scènes de destruction murales des combats super-héroïques, on passe désormais à un autre niveau. Il est étonnant de se dire que même à notre époque de débauches visuelles, on arrive encore à créer de nouveaux effets. Nébuleuses dans lesquelles s’agitent d’autres mondes, univers en forme de liaisons atomiques géantes, et autres images impossibles à comprendre… Mallick peut aller se rhabiller ! Pour ma part j’ai vraiment été subjugué par ces images. Appelez ça être facilement impressionnable si vous voulez, je préfère penser à la capacité à rêver !
Les affrontements styles arts martiaux (sans être du Jet Li non plus) mêlées de modification de la réalité et d’armes énergétiques matérialisables à volonté sont très plaisants à voir.



Ambiance moins légère



Autre attente, l’ambiance différente. L’un des gros reproches à la Maison des Idées est l’abus d’humour. Sur ce point les attentes seraient là plutôt comblées, même si les avis divergent. Moi je considère que l’humour est dans l’ensemble peu présent, c’est tout au plus si on peut trouver une ou deux scènes où un élément comique a été mal utilisé (notamment avec la cape d’invisibilité). A tel point que l’on se demande parfois si on l’est vraiment devant un Marvel, notamment dans la première partie avec la convalescence de Strange. Le futur Sorcier Suprême n’est pourtant pas en reste niveau vannes, mais moins que ses compères. Il faut aussi avouer que, malheureusement pour lui, les sorciers n’ont pas forcément le sens de l’humour, ou en tout cas pas le même… Mais même moins présent, c’est visiblement encore trop pour certains, que j’invite à comparer avec les derniers Iron man, les Thor, et même Avengers 2 décevant à ce niveau-là.
Bon je veux bien admettre que l’initiation spirituelle au sanctuaire aurait été bien plus profonde sans élément humoristique…



Qui est le Dr Strange ?



Le fameux Sorcier Suprême, incarné par le désormais célèbre Benedict Cumberbatch, le Sherlock moderne, apparaît un peu plus torturé que ses confrères du plan matériel (même si Tony Stark ne va pas fort ces derniers temps…).
Génie scientifique, il est animé d’un égo développé, mais il ne le manifeste pas tout à fait de la même façon que l’homme-d’acier. Là où Tony Stark se montrait plus « moi je », aimant se montrer sous ses atours de milliardaire ou de sauveur de l’humanité, Strange s’avère plutôt dans le genre arrogant, conscient de sa supériorité intellectuelle, même s’il ne ressent pas le besoin d’en faire étalage.
Il préfère dédier son talent et son travail à faire avancer la recherche scientifique plutôt que de guérir des patients. Soi-disant pour sauver des millions de vie, mais même s’il refuse de se l’avouer, également pour la gloire, au point de refuser de s’occuper de cas qu’il juge sans espoir. Il dispose d’une mémoire photographique, qui lui permet d’apprendre très vite, et de retenir tout un tas d’informations en tout genre. Il peut ainsi voir ce que les autres ne voient pas. Il est donc conscient d’être plus intelligent que la moyenne, même s’il ne le montre pas pour autant en permanence. Il n’est pas de fait pas aussi hautain et désagréable que Sherlock par exemple, ni Alan Turing qu’il a également incarné dans « Imitation Game ». Il reconnait son égo, et préfère en plaisanter, comme avec sa collègue et amante le Dr Palmer. Excepté toutefois lorsque des personnes l’empêchent d’avancer, comme des collègues moins doués, ou des proches qui désapprouveraient son comportement, où il peut se montrer extrêmement détestable.


Ce n’est pas là ses seuls défauts. Homme rationnel, il méprise tout ce qui est de ressort de la spiritualité et n’est pas régit par des lois scientifiques. Il est obsédé par tout ce qui révèle de la connaissance et du contrôle. Un état d’esprit solidement établi, qu’il va pourtant devoir, en désespoir de cause, remettre en question, avant que son arrogance ne le détruise.
Il devra apprendre à ouvrir son esprit, accepter l’existence d’un univers bien plus vaste et au-delà de ses perceptions, un monde pour lequel il n’est rien et n’a aucune maîtrise. Se contenter de ressentir les choses plutôt que de les contrôler ou de les comprendre (dans un épisode des 4 Fantastiques, Dr Strange enseignera justement la magie en ses termes à Mr Fantastic : mettre de côté sa fierté, ressentir plutôt que comprendre).


Stephen Strange se lance donc dans voyage à Katmandou pour la solution de la dernière chance. Il se rend dans un sanctuaire caché au milieu de la ville, Kamar-Taj, où son mépris manque de lui fermer la porte. L’Ancien, le maître des lieux va donc devoir lui montrer donc frontalement un aperçu du monde au-delà des apparences qu’il dénigre avant tant de suffisance. Désormais conscient de l’existence d’autres forces à l’œuvre, et fidèle à sa nature, il s’applique à tenter de contrôler cette nouvelle source de puissance, aidé par son génie intellectuel. Se dévoile alors un nouveau défaut : un mépris des lois de la nature, des règles aussi.


Enfin, précisons que Stephen Strange ne désirait au départ que retrouver son ancienne vie, nullement devenir un protecteur de la Terre. Jusqu’à ce que les événements, l’apparition de la menace, et suite à une conversation ectoplasmique plus tard, il réalise que quelqu’un doit remplir ce rôle.


Un développement qui fait de ce super-héros un personnage plutôt captivant. Les interactions avec Iron man devraient s’avérer intéressantes (le duo est confirmé par Kevin Feige), le maître mystique pouvant enseigner au spécialiste technologique comment renoncer à sa fierté responsable de ses crises d’angoisse…


Une conclusion s’impose : Benedict Cumberbatch EST Dr Strange. Il incarne le Sorcier Suprême avec classe et puissance. Le moment où il se relève avec la Cape est d’ailleurs assez fort.



Méchant avec un s



Autre reproche bien connu de la maison des idées aux grandes oreilles, des méchants très similaires et peu développés, juste présents comme adversaires épisodiques pour permettre au héros de se développer. Ce n’est pas ce film qui va modifier ce mode opératoire, mais des différences sont malgré tout à noter.
Certes, Kaecilius, le sorcier déchu qui a tourné du côté obscur, ressemble justement aux ennemis classiques. Mais par sa corruption, il symbolise, à la manière de Dark Vador et de Luke Skywalker (la filiation en moins), la représentation de la corruption que les pouvoirs peuvent entraîner. Il s’avère aussi, comme on le comprend plus tard, être d’une certaine façon la conséquence des choix et des erreurs de l’Ancien.
Deuxième différence, Kaecilius n’est pas le seul méchant. Le vrai ennemi est en fait Dormammu, entité mystique maléfique, qui veut engloutir tous les mondes à l’intérieur de lui, où existe une espèce de néant où le temps ne s’écoule pas. Le type de menace justement cohérente avec la dimension magique dévoilé dans ce film.
Autre différence appréciable, le dénouement. Dans la plupart des films, le super-héros élimine, ou du moins neutralise, l’ennemi. Or ici le Dr Strange a recours à une ruse, non pour tuer, mais pour repousser l’entité. A la manière d’un autre docteur bien connu…



Les autres personnages



L’Ancien, mentor qui baigne d’une aura sereine, dont la mine bienveillante cache un grand pouvoir, mais aussi de sombres secrets. Il y eu une petite polémique sur le changement de sexe, le personnage étant à l’origine un homme, mais force est d’avouer que l’incarnation s’avère réussie (bien que je ne connaisse guère le personnage en comics).
Modor est un alcolyte loyal intègre, bien qu’un peu en retrait.
Citons encore Wang, le bibliothécaire stricte pas si austère qu’il n’y paraît.
Christine Palmer joue la relation amoureuse du héros. Reprochée, plutôt à juste titre, d’être accessoire, je préfère du coup ne pas m’y attarder, tant qu’elle ne plombe pas le récit.



Des failles dans les sortilèges



Le Dr Strange maîtrise bien trop rapidement la magie. Il passe en quelques scènes d’un scepticisme à une maîtrise quasiment identique aux autres maîtres. Certes, il était difficile en un seul film de traiter de la convalescence, du voyage au Népal, de l’initiation jusqu’à l’affrontement contre l’adversaire. Quelques scènes supplémentaires, voir peut-être quelques moments d’humour en moins, auraient été bienvenus.



Comparaison



Ambiance différence, plusieurs méchants… autant d’éléments que les éternels détracteurs ne verront pas ou ne prendront pas la peine de le remarquer, trop occupés à dire encore et encore que tous les Marvel se ressemblent… Dommage qu’en restant ainsi dans des schémas de pensées faciles, beaucoup négligent justement de faire preuve d’esprit critique, de faire la part des choses entre ce qui change et ce qui reste identique, les bons points comme les mauvais.
Attention il y a effectivement beaucoup à reprocher à Marvel studio, dont justement des méchants trop similaires, mais quand j’entends se plaindre que le méchant de Civil war est inutile, alors que justement il change des autres adversaires, je ne peux m’empêcher de constater que certaines restent dans une logique de négativité et ne pointe que les défauts, sans mentionner les points positifs. En d’autres termes ils ne voient que ce qui correspond à leur vision : à savoir la même rengaine, Marvel c’est le mal et c’est tout pareil. Idem pour l’humour, beaucoup semble vouloir des Marvel sans humour, et moi aussi je trouve que les histoires seraient plus percutantes sans, mais je me suis fait une raison. Maintenant, j’ai l’impression que dès qu’il y en a, peu importe sa fréquence et comment il est géré, on se plaint encore en disant « il y a trop d’humour ! ».
Ce qui n’empêche pas ces personnes d’avoir raison sur certains points, voir raison tout court, mais ça ne justifie pas d’avoir des avis très orientés tel que j’ai pu lire sur ce film. Quand je lis certaines critiques, j’ai plus l’impression de lire une accusation envers Marvel studios que le film lui-même, ce qui est dommage.
J’espère ne froisser personne, d’autant que j’ai des éclaireurs très estimés parmi les détracteurs… Si cela devait être le cas, je les laisse le droit de me reprocher d’être trop réceptif à tout ce que l’on me montre ! Et d’avoir moi aussi un avis orienté… Mais bon on est humain après tout.


Et je manquerais moi-même d’esprit critique si je ne reconnaissais pas que le film repose sur une structure assez classique. Élément perturbateur, initiation, alliés contre la Némésis, et affrontement final… une structure qui va même au-delà des films de super-héros. Et une structure d’autant plus difficile à éviter en tant qu’origin story. Et on peut être classique tout en étant efficace.


Enième film de super-héros pour les uns, introduction réussie pour les autres, « Dr Strange » apporte à coup sûr un nouvel élément à l’univers Marvel, à l’occasion d’époustouflantes prouesses visuelles. A côté d’un procédé relativement classique se greffe des différences bien appréciables pour ceux qui voudront bien les chercher. Moins léger dans son ensemble que les autres, le film parvient à présenter un super-héros intéressant, porté par les épaules d’un Cumberbatch fait pour le rôle.

Enlak
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le 6 nov. 2016

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