Dracula
3.2
Dracula

Film de Dario Argento (2012)

Le meilleur Argento depuis Mother of tears !

Dracula 3D, un titre qui en lui-même craint énormément. Tout comme la première affiche teaser, abominable. J'avais quand même envie de le voir, parce que Dario Argento, mais je l'avais ajouté à mes envies sur Senscritique sans trop y croire. J'avais quand même été enthousiasmé l'an dernier en voyant un stand aux couleurs du film dans le Marché du film à Cannes. J'étais content cette année de le retrouver au même endroit, maintenant que le film était programmé hors-compétition.
J'avais suivi l'actualité du film, malgré le fait que je savais d'avance qu'il ne pouvait qu'être mauvais (enfin ça m'aurait pas fait de mal d'être surpris). Les photos de tournage faisaient peur. Le témoignage de Rutger Hauer à l'Etrange festival de l'an dernier aussi, même s'il essayait de se contenir sur l'évocation de ses inquiétudes. Pire que tout : le "promo reel" ne présentant que des extraits à effets-spéciaux, où l'on indiquait à chaque fois que c'était du work in progress ; teaser anti-productif comme pas possible.

En dépit de tout ce que je pouvais déjà penser, de mes appréhensions justifiées, je n'ai pu m'empêcher d'avoir du plaisir lors du générique de début. Je me réjouissais de petites choses, comme le nom de Simonetti s'affichant. Et puis je voyais un Argento dans une salle de cinéma ! J'ai vu ça commence un chance ; c'est quoi son dernier film sorti dans les salles françaises, hein ? Dommage que ce soit Dracula 3D que j'ai vu, mais bon, on ne peut tout avoir...
J'ai essayé de chercher autant que possible des qualités dès le début du film, me disant que l'éclairage est cool, les décors aussi, ceux-là même que j'ai trouvé cheaps par la suite, tout le film dégageant d'ailleurs une aura de téléfilm.
Bon, au moins j'ai été rassuré en voyant que certains CGI à moitié complétés dans le teaser sus-mentionné ont été largement améliorés (le hibou est très bien foutu, alors même que le voir au ralenti était risqué), d'autres non, et restent terriblement moches.
Les images de synthèse servent aussi à créer de toutes pièces des fonds de décor extérieur, et c'est horriblement fake. En fait tout le décor de la gare fait très factice, on a un faux train, immobile, qu'on n'entend démarrer que lorsqu'il est hors-champ.
Ce qui est pas trop mal, ce sont les ciels numériques, avec les fausses "heures magiques".
Argento s'amuse également à modifier la colorimétrie d'une séquence de rêve pour la faire virer au verdâtre, c'est pas très beau non plus.
Le réalisateur semble aimer expérimenter avec les nouvelles technologies à sa disposition, je crois qu'on m'avait dit que Stendhal syndrome était le premier film italien à utiliser des CGI. Le problème c'est que l'ambition d'Argento se retrouve confrontée aux limites de son pays ; il a déjà eu du mal à faire que ce film-ci soit tourné en 3D. Dans Stendhal syndrome par exemple, les FX étaient terriblement laids. Mais il n'y a pas que ce problème dans Dracula 3D, parce qu'à la base il y a déjà des idées vraiment bizarres, que même de bons effets spéciaux ne peuvent sauver : un groupe de mouches qui se transforme en Dracula, et une mante religieuse géante qui transperce un homme ! Qu'a fumé Dario ? Ou qu'est-ce qu'il a arrêté de fumer (parce qu'on peut pas faire Suspiria et Inferno en étant sobre) ?
Même en dehors des problèmes liés aux effets spéciaux, Argento fait des choses très étranges, avec par exemple un champ-contrechamp en plongée, très étrange, et un découpage qui, la plupart du temps, sépare les acteurs des plans avec CGI ou effets gores, ce qui fait qu'on ne peut y croire.

Dario reprend d'Inferno l'idée d'un personnage qu'on croit venir à l'aide alors que non, en proposant juste une petite variante ; on peut voir dans l'invasion des mouches un écho à Phenomena ; le balle en CGI qu'on voit traverser la tête d'un personnage au ralenti (et c'est plutôt bien) peut évoquer Opera ou Stendhal syndrome.
Il reprend aussi la mauvaise habitude, de choisir un casting international qu'il fait doubler pour obtenir une seule langue. Ou alors c'est juste une impression, mais pour de nombreux personnages on dirait que la voix n'est pas celle de l'acteur, ce qui peut expliquer en partie le jeu vraiment affreux de certains ; et j'ai aussi l'impression que pour certains, on profite des zones d'ombres sur le visage pour les faire parler en anglais au lieu de l'italien.
J'ai ressenti également une influence du slasher, ou plutôt ses caractéristiques les moins bonnes. Le film démarre avec un jump-scare de la part du petit copain d'une femme, qui le plan d'après forniquent avec lui dans la paille, sous un ciel traversé d'éclairs ; quand la femme entend des bruits de pas, son ami dit que c'est juste le vent. La femme meurt peu après, pour suivre la règle du "we've seen your boobs, now you can die". On dirait pas en voyant le film,
mais raconté comme ça, on pourrait croire à un assemblage de clichés issu d'une parodie.
Pratiquement toutes les femmes du casting (et toutes celles qui meurent, en fait, mince, je me rends compte que la "règle" évoquée s'applique vraiment à ce film), même, ou "surtout" devrai-je dire, Asia Argento, que son papa déshabille dans chacun de ses films où elle apparaît. Ils sont décidément pas nets.

Dario n'a jamais été très bons pour les dialogues, et ça va encore quand il faisait des films fantasmagoriques, mais ici les répliques n'ont pas grand chose de naturel, ni de logique.
"Are you responsible for this ?", demande un Jonathan Harker qui vient de retrouver une photo brûlée de Mina. La réponse de Tanya : se déshabiller.
Maintenant que j'y repense, il y a eu 4 scénaristes pour ce film. Ils reprennent par moments des répliques cultes de l'histoire de Dracula, comme celle très célèbre sur "the children of the night". Pour "I never drink... wine", il y a une variante : "I never eat... in the evening". Euh, quoi ?
Argento reprend aussi l'histoire d'amour créée par Coppola dans sa version du mythe, mais sans permettre à ceux qui n'ont pas vu le film du réalisateur d'Apocalypse now de comprendre ce qu'il se passe dans son propre film : on n'apprend qu'à la fin que Mina rappelle au comte son ancienne bien-aimée, mais jusque là rien ne nous explique ses actions. Pareil pour le personnage de Van Helsing, qui arrive comme un cheveu sur la soupe : les scénaristes s'appuient trop sur ce qu'ils considèrent que les spectateurs savent, à partir des autres adaptation de l'œuvre de Bram Stoker.
Van Helsing, autrement, on ne sait pas qui c'est, si ce n'est un vieux qui survit aux coups de poing répétés de Dracula, alors que ce dernier arrachait la tête de quidams d'un seul revers de la main peu avant.

Dans le dossier de presse, une interview d'Argento dévoile qu'il considère les films de la Hammer comme les meilleurs versions de Dracula. Que pensait-il apporter avec sa propre version ? A quoi elle sert, et qu'est ce qui l'a motivé pour la faire ? Vraiment, je ne sais pas.
Argento dit avoir voulu remettre au goût du jour le personnage très classique de Dracula, et qu'il le fait grâce à la 3D. Ca, contrairement à son avis sur la Hammer dans lequel on perçoit un propos honnête, c'est du bullshit pour les journalistes, c'est pas possible qu'il y croie quand il dit ça.

PS : Jonathan Harker ressemble à Tommy Wiseau. En moins charismatique.


(Cannes #13)
Fry3000
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le 22 mai 2012

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Wykydtron IV

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