Sans doute pas mon film préféré de Vinterberg, ce n'est pas tant d'ailleurs que j'en ai vus tant que ça, mais celui-là n'a pas la puissance et la spontanéité d'un Festen, ni la beauté romantique d'un Far from the mad crow. Et je n'ai pas vu La chasse, il faudra peut-être d'ailleurs que je songe à y remédier. Car Drunk n'est pas dépourvu de qualités, ni de significations. Peut-être un poil trop en fin de film pour ce qui est des secondes, j'y reviendrai. En tout cas, on ne pourra pas lui reprocher d'explorer des facettes très diverses du septième art...


Que veut nous dire Vinterberg dans ce film ? Allons donc, il n'aurait pas fait un film sur un sujet aussi bizarroïde pour le seul plaisir de filmer des quadras vieillissant se torcher comme on l'a tous fait (au moins) une fois au sortir de l'adolescence. Quoique...Non, non pas possible. Il y a plus. Alors, quoi ? L'alcool serait peut-être l'une des principales soupapes - il y en a probablement d'autres, je laisse le lecteur imaginer lesquelles - qui nous permet de supporter la vie morne que mènent ceux qui se conforment aux conventions de notre belle civilisation occidentale et, cela va sans dire, post-moderne. Anika le dit d'ailleurs à Martin à un des moments clés du film : "ce n'est pas grave que tu boives, dans ce pays tout le monde le fait".


Alors, un formatage sociétal qui débute dès l'adolescence et qui deviendrait de plus en plus insupportable au fur et à mesure que l'on prend de l'âge et que nos capacités physiques, intellectuelles et d'empathie comme de séduction diminuent ? Cela, c'est probablement un peu d'ailleurs ce que ressent le réalisateur lui-même : il vient de passer le cap de la cinquantaine. Un formatage que l'on supporterait grâce ces moments d'ivresse...Après, il faut bien reconnaitre qu'avec l'âge, on supporte aussi de moins en moins bien la gueule de bois.


On voit ainsi en début de film des ados lancés dans un challenge bière (avec bonus si toute l'équipe vomit en même temps). Et leurs profs qui se mettent à picoler pour embellir leur piètre quotidien; avec une certaine réussite au début, mais des résultats plus improbables par la suite. Sans trop de surprise pour le spectateur, c'est un peu téléphoné, et ça contribue à expliquer mon opinion sur le film qui, même si elle est positive, est un peu mitigée.


Le point critique du film, c'est me semble-t-il le moment où l'expérience des quatre profs danois s'achève sur la mine monumentale déjà évoquée plus haut. Jusque là, c'est linéaire, ça monte juste en alcoolémie. S'ensuit un dernier tiers de film de tous les dangers, que Vinterberg parvient toutefois à mener à bien grâce à sa maitrise. De tous les dangers, car il brasse large, en matière de thèmes largement rebattus au cinéma comme en littérature: l'amour, la mort, les amitiés viriles, l'institution et les conventions sociales.


Voilà quoiqu'il en soit un film qui entre curieusement en résonance avec les mesures de privations de liberté prises dans divers pays européens, dont la France. Curieusement, car bien entendu élaboré et tourné avant la pandémie. Métro, boulot, dodo : les gens vont-ils pouvoir supporter cela longtemps sans pouvoir aller au bar et profiter de moments de convivialité détendue ? Vont-ils se mettre à boire à leurs domiciles, voire - comme dans le film - sur leurs lieux de travail ? Ou bien va-t-on assister à de plus en plus de pétages de plombs, alors que nous sommes pourtant déjà bien lotis sur ce plan là ?

Marcus31
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le 19 oct. 2020

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