« La vieillesse est un naufrage ». Ces mots du Général de Gaulle ont très vite raisonné en moi au visionnage de ce film. Thomas Vinterberg nous expose ici une bouleversante histoire existentielle, celle de la décadence et du fléau de la monotonie.

Si le terme de naufrage est employé pour qualifier la vieillesse c’est parce que cette décrépitude contraste avec une vie passée pleine de rêves, d’espoir et d’envies. Ce n’est donc pas la décadence physique qui importe ici mais l’extinction progressive d’une flamme motrice de notre existence.

Le naufrage auquel nous assistons à travers ce film est celui de 4 professeurs qui ont progressivement renoncé à leur raison d’être. Tels des bateaux sans gouvernail, nos protagonistes errent dans une vacuité existentielle terrifiante, condamnés à être spectateurs de leur propre vie. Martin, le personnage principal incarné par Mads Mikkelsen, nous en montre ici les tréfonds. Professeur d’histoire, la quarantaine passée, il n’est plus que l’ombre de lui-même, méprisé par ses étudiants et oublié par sa femme. Proche de la dépression, Martin est piégé dans le corps d’un être médiocre, incapable de sortir de la frustration de son quotidien. Comme beaucoup d’autres avant lui, notre protagoniste s’est lentement oublié au fur et à mesure du fanage de sa jeunesse.

Le contraste entre les deux mondes – celui de la jeunesse, symbole de joie et d’espoir, et celui de la vieillesse, royaume de l’abandon et du déclin – ne cessera de nous être exposé tout au long de l’œuvre de Vinterberg, et cela dès les premières minutes du film. On ne peut en effet que trop se rappeler de la scène d’ouverture : des jeunes libres, s’amusant et défiant les règles du monde qui les entoure, puis un long silence sur fond noir, transition vers une vie vaine et monotone.

Dans ce sombre tableau que nous peint Vinterberg, le sujet de l’alcool est mis au premier plan. Il est présenté ici comme un élixir de vie dont les bienfaits presque mystiques permettent de réenchanter des existences ternies par le poids des années. Bien que le film traite avant tout de la place de l’alcool dans nos sociétés, j’aimerais ici apporter une interprétation quelque peu différente. L’alcool, vecteur d’ivresse, serait finalement une métaphore de la passion. L’état second de nos protagonistes représenterait ce que chacun d’entre nous serait capable d’être en embrassant la vie et en y allant chercher l’excitation des premiers jours. Tel que l’alcool, la passion peut avoir ses bienfaits mais aussi ses dérives : l’obsession, la dépendance ou encore le déséquilibre psychologique. Il s’agit donc de canaliser cette intensité pour la transformer en force motrice et positive. Que cette passion soit notre arme de vie pour combattre les maux causés par la vieillesse. Cette dernière n’est en effet rien si chacun de nous est capable de ne pas céder au grand piège de la monotonie. Le rire, la folie et l’audace doivent constamment rythmer nos existences. La passion est notre élixir de jeunesse. Pour y goûter ayons simplement le courage de quitter nos sièges de spectateurs et lançons-nous dans la danse effrénée et poétique de la vie.

FlorianAmry
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le 29 déc. 2022

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Florian Amry

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