Pour ceux qui n'auraient pas lu ma critique du premier volet, ça se passe ici.

Pour les autres, un résumé rapide : si le Dune de Villeneuve était bourré de défauts, il présentait néanmoins un certain potentiel digne d'être exploité dans une suite plus aboutie, voire un univers développé à la fois sur le grand et le petit écran (je maintiens au passage que ce dernier, bien que moins profitable ou spectaculaire, serait plus adapté au dense matériau de Frank Herbert).

Au sortir de la salle, il faut hélas admettre le constat inverse : Dune - Deuxième partie, malgré d'indéniables qualités, est somme toute une déception.

De qualités, parlons : visuellement, c'est toujours aussi joli, voire d'avantage. Un soin tout particulier a été apporté aux contrastes, en particulier lors des scènes de coucher de soleil (ce que vend l'affiche avec justesse). L'ambiance d'Arrakis est ainsi plus immersive, mieux ressentie que dans le premier, ceci étant peut-être dû au fait qu'on y passe plus de temps du point de vue des Fremen, natifs de la planète, dont la culture n'est pas sans rappeler d'authentiques peuples du désert (Touaregs, Bédouins).

Pourtant la meilleure scène du film ne se situe pas à la source de l'Epice mais bel et bien sur Giedi Prime, fief des Harkonnen. Tout y est : décor impressionnant, introduction d'un nouveau personnage capital et belle claque esthétique. Ce fameux combat de gladiateurs en noir et blanc, déjà bien annoncé par les bandes-annonces, vaut à lui seul le déplacement, d'autant plus qu'Austin Butler crève l'écran dans la peau d'un Feyd-Rautha plus implacable et charismatique que jamais (Dieu merci, au moins un personnage qu'ils n'aient pas trop salopé malgré les libertés prises avec !) On ne va pas se mentir d'ailleurs, c'est clairement celui qui s'en sort le mieux de tout le casting, avec, dans une moindre mesure, Léa Seydoux.

Parce que du reste, c'est à se demander si c'est la direction d'acteur ou le montage qui chie dans la colle, entre Bardem qui cabotine à mort et passe son temps à faire des blagues pas drôles et à répéter presque fanatiquement "Lisan al Gaib" le tout avec un accent aussi fake que ridicule, Brolin qui en plus d'avoir perdu de sa superbe s'est transformé en militant terroriste pro-Truman (et en comic-relief, de surcroît), Ferguson qui est passée du statut de mère/concubine à la fois aimante, vulnérable et forte à celui de monolithe tatoué dont une réplique sur trois est un ordre gueulé dans le style Bene Gesserit (ce qui, très vite, a le don d'exaspérer), Zendaya qui tire la gueule comme pour se rendre encore plus détestable qu'elle ne l'est déjà et apparaît moins à son (seul) avantage que dans la pub Chanel où elle aurait dû rester, et bien sûr Chalumet dont le seul jeu se limite à alterner sans prévenir susurrements et beuglements.

Quant aux autres ? Même traitement que dans le premier. Stellan Skarsgård est raté dans la moitié de ses scènes alors qu'il faisait partie des meilleurs ingrédients, Dave Bautista complètement bafoué, lui qui avait pourtant prouvé dans 2049 qu'il savait jouer autre chose qu'une brute épaisse ou un clown, Stephen McKinley Henderson carrément coupé au dernier moment, Charlotte Rampling n'apporte pas grand-chose de nouveau, Florence Pugh non plus, si ce n'est expliquer en voix-off ce que l'on voit déjà à l'écran (Lynch a dû bien se marrer), et surtout Christopher Walken, ce fameux homme "jaloux et dangereux" qu'on nous avait promis, est aussi vite expédié qu'introduit, sa réplique la plus marquante étant, je cite :

"Votre père était un homme faible, alors je l'ai tué !"

Wouaw, quelle originalité. Bravo, Denis.

Expéditif. Charcuté. Voilà le produit final qu'on a sous les yeux et ce malgré ses 2h46 - qui passeraient bien mal s'il n'y avait pas l'IMAX et les 25€ que coûtent la place. Car oui, Villeneuve ne sait toujours pas rythmer ses films : quand ça lui prend 3h à faire raconter des conneries à Bardem, à monter les Fremen les uns contre les autres concernant le statut de Messie de Paul pour qu'au final tous le suivent aveuglément ou à le faire se déplacer comme John Cleese dans The Ministry of Silly Walks, il ne lui faut pas plus de 30 secondes de bataille finale, bataille qui ne montre rien qu'on n'ait déjà vu en mieux (Lynch peut se gausser, encore une fois) et fiche en l'air tout le potentiel auparavant si bien introduit (coucou les Sardaukars !). Sans oublier, encore une fois un sous-développement, voire non-développement honteux des personnages les plus forts, teinté du manichéisme le plus puant qui soit (Feyd-Rautha qui tue des femmes par pur plaisir sadique alors qu'il y était forcé dans le bouquin, le baron qui rampe pathétiquement jusqu'au trône de l'empereur alors que sa mort est censée arriver par surprise, etc.) et un Hans Zimmer beaucoup moins inspiré (c'est bien simple, on est resservi des insupportables POIIIINNNN POIIIINNNN de 2049 pendant les scènes d'action et d'une pauvre réécriture de Now We Are Free de Gladiator pour les passages les plus contemplatifs). C'est donc ça, le soi-disant "Star Wars pour adultes" ?

Immanquablement, ce film plaira - à commencer par mes deux compagnons de séance - peut-être même servira-t-il d'exemple pour les blockbusters "d'auteurs" à venir. Si Dieu le veut, aura-t-il droit aussi à ses deux voire trois suites (même si Villeneuve finit par craquer, le portefeuille de Warner lui n'est pas près de tomber malade) en plus de sa série centrée sur le Bene Gesserit ; toujours est-il que l'adaptation que mériterait la saga de Herbert n'a à ce jour pas existé, et il a fort à parier que ce ne sera jamais véritablement le cas.

Ah, et j'ai failli oublier :

Ça commence à bien faire de voir Anya-Taylor Joy partout, surtout qu'on l'a à peine grillée en train de tourner ce pauvre caméo en même temps que Furiosa ; en espérant tout de même être moins déçu par ce bon vieux George, on n'a pas fini de bouffer du désert cette année !

reastweent
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le 7 mars 2024

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