Une histoire qui manque de grandeur

Nouveau projet emballant du côté du cinéma français, Eiffel fait partie des principales victimes de la pandémie avec de multiples reports. L’attente a été longue et le long-métrage arrive enfin sur les écrans en cette fin d’année dans laquelle le cinéma français aura su nous séduire avec des films rafraichissants avec entre autres les récents polars Boite Noire avec Pierre Niney d’un côté et Bac Nord de l’autre, qui vient de passer le cap des 2 millions de spectateurs au box-office. On pense également à des tentatives réussies dans le cinéma de genre avec entre autres La Nuée, sorti anonymement avant cet été mais qui mérite largement le coup d’oeil. On retrouve ici le registre du biopic avec ce film qui retrace les origines de la construction de la Tour Eiffel créé par le célèbre ingénieur du même nom alors en pleine gloire suite au succès de la Statue de la Liberté sur laquelle il a collaboré. Il est sollicité par le gouvernement français pour proposer un monument prestigieux lors de l’Exposition Universelle de Paris en 1900, un projet auquel il n'adhère pas au début. On retrouve derrière la caméra Martin Bourboulon, auteur des deux Papa et Maman, des films plus mineurs mais qui avaient su nous faire rire avec un humour au diapason. Cependant, malgré tout le bien qu’on peut penser du metteur en scène, on pouvait s’inquiéter du fossé avec son dernier long-métrage. A noter qu’il sera aussi à la tête de la prochaine adaptation des Trois Mousquetaires, le célèbre roman d’Alexandre Dumas. Un projet qui annonce du lourd avec un casting énorme. Autant dire que le réalisateur est attendu au tournant avec Eiffel, il doit rassurer sur ses capacités. Pour cela, il peut compter sur le couple star à l’écran, Romain Duris et Emma Mackey, jeune actrice en pleine ascension depuis ses débuts dans la série Sex Education sur Netflix. On la retrouvera également dans le prochain film de Kenneth Branagh qui revient avec les enquêtes d’Hercule Poirot, Mort sur le Nil, lui aussi maintes fois repoussé mais finalement prévu pour février 2022. Pour revenir à Eiffel, dès les premières minutes, le film annonce qu’il s’annonce librement de faits réels se permettant des écarts sur la véracité de l’histoire. Ce n’est pas un souci puisque ses auteurs l’avaient annoncé avec ce projet ambitieux. Par la suite, le film adopte une légèreté de ton inattendue qui va se vérifier tout le long du film mais au détriment d'une véritable dramaturgie à laquelle s'accrocher. Le film fait le choix de nous raconter une belle histoire d'amour mais prévisible entre Gustave Eiffel et cette jeune femme qu’il retrouvera lors d’une soirée. Les retrouvailles sont tout d’abord froids, on se demande bien quelles en sont les raisons avant de nous les expliquer plusieurs minutes après. Ils vont finalement se rapprocher en parallèle de la construction de la Tour Eiffel. Le film s’attarde sur cette histoire d’amour qui a profondément marqué cet homme qui va s’impliquer dans ce projet incroyable. Dans ses jeunes années, cet ingénieur ouvrier fait la rencontre de cette femme issue d’une famille bourgeoise, c’est la rencontre entre deux mondes, chose qu’on a déjà vu plusieurs fois au cinéma (il suffit de penser à Titanic de James Cameron). La caméra se focalise trop souvent sur son couple d’acteurs au détriment de la conception de la Tour Eiffel. C’est vraiment dommage car les quelques scènes basées sur sa construction sont prenantes et à couper le souffle. On découvre en parallèle le génie de l’homme à travers ce pari osé pour lequel il sera amené à se battre contre vents et marées pour mener le projet à son terme entre les inquiétudes des investisseurs, les craintes du public et la colère des ouvriers. Malheureusement c’est trop peu exploité et insuffisant face à la romance mise en place et omniprésente. Emma Mackey est pourtant éblouissante et impulsive dans le rôle de cette femme, elle sublime ce film et met au second plan son partenaire, Romain Duris, dont le jeu est un poil forcé et théâtral. On regrette ce déséquilibre entre romance et autobiographie, le réalisateur n'a rien à se reprocher et confirme derrière la caméra avec une mise en scène soignée. Finalement, Eiffel n’est pas vraiment le film qu’on pouvait attendre et déçoit quelque peu par sa volonté de se focaliser le plus possible sur cette relation au détriment du projet de la Tour Eiffel.