Après Incendies et Prisoners, Denis Villeneuve présente Enemy, balade schizophrénique avec Jake Gyllenhaal (Le secret de Brokeback Mountain). Il interprète un prof d’université, sorte de chaton atone, se découvrant un sosie parfait dont la femme est enceinte.

Villeneuve épaissit le mystère jusqu’à l’écoeurement. La tension est là, toutefois il faudrait allez plus avant, travailler l’histoire ; pas le scénario seul (et qu’on le néglige même, pourquoi pas!) : l’histoire. Que le sujet gagne en consistance, que des motivations et processus se dessinent. Or on est là, à voler comme des fantômes, dans l’attente d’une intensité, d’éléments nouveaux voir, osons-le : d’une résolution.

Naturellement pas de réponse, il faut simplement buller au rythme des personnages, ces pantins aveugles et parfois même, sûrs d’eux. Le style est pesant, assommant, mais le style est aussi l’atout ultime de Enemy. Villeneuve est un grand formaliste, en mesure de prendre la relève de Lynch, indique ce produit. Mais il a peu à raconter et étire ses arguments à l’infini. Le génie visuel permet de meubler. La mise en scène est solennelle, la photo brumeuse, magnifique et l’univers tétanisant, inspirant cette espèce de tristesse très amère et anxiogène caractéristique des paysages de Villeneuve.

À l’écran, l’irréel concret. La ville, indéterminée, avec un côté 1970s même si nous sommes à l’heure d’Internet, semble peu affectée par l’élément humain. Les individus présents sont d’ailleurs tous très calmes et effacés. Pas de bruits ni d’émulations voyantes ; il n’y a guère qu’un moment d’extase, ou au moins sa quête, dans le secret d’un obscur rendez-vous (la scène mystificatrice du début, décevante au final). Jake Gyllenhaal saura toutefois jouer la confusion et la nervosité de façon peut-être un peu trop marquée. Les personnages de Villeneuve sont difficiles à apprécier, médiocres, sans densité, à la fois robots pour de faux et humains atrophiés.

http://zogarok.wordpress.com/2014/09/05/enemy/

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le 4 sept. 2014

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