Un contour soigné sur un problème de société autour d'un nanar de compétition

Même si les deux films ne sont pas entièrement comparables, pour avoir vu cet Enragé juste avant Tenet qui a commencé immédiatement après, les deux films partagent un problème similaire : si le contour des deux oeuvres, leur fond, est abordé de manière soignée et/ou juste (dans des styles et formes différentes, là s'arrête la comparaison), le récit en lui-même des aventures des personnages est une soupe déjà resservie trop de fois à la cantine d'Hollywood, la soupe blockbuster d'espionnage pour Tenet, la bonne vieille recette à la sauce nanar du dérangé qui veut votre peau pour Enragé.


De fait, Enragé aborde un problème sociétal important dans les sociétés occidentales et le fait d'ailleurs plutôt bien dans ce qui entoure l'intrigue effective. Bien que faisant un peu trop "publicité pour la prévention routière" présentée par le gouvernement ou autre spot de ce type, le sujet est très bien introduit (avec un style certes un peu sensationnel mais il n'y pas de film sociétal qui vaille la peine sans angle de vue) et les détails du film illustrent bien une réalité qui nous concerne tous (portable au volant, impatience, etc.). J'ai d'ailleurs été d'autant plus frappé que j'ai vécu il y a un mois les prémisses du film : ayant refusé de me déporter pour laisser passer un kéké chauffard en merco blanche lancé à au moins 180km/h (bref vous voyez le genre), cet homme "indélicat" a décidé se se faire justice en se mettant devant moi et freinant pour me faire avoir un accident...manœuvre qui a échoué misérablement et a provoqué d'ailleurs un ragequit de notre ami devant mon regard amusé. Une fois l'adrénaline redescendue, je me suis rendu compte de la bêtise de ma manœuvre et suis arrivé à la même conclusion que le film Enragé qui s'achève sur une scène relativement surprenante vu le côté nanar de la mise en scène


Rachel décide de ne pas s'emporter et de ne pas klaxonner, reprenant le sens des responsabilités et sortant du pilote automatique du métro bulot dodo et de sa spirale de stress, impatience, etc. par un calcul rationnel. Au fond, que gagne-t-on en essayant de sauver la face sur la route en cédant à sa fierté ? Rien, au contraire on y perd et l'automobiliste en face ne vous entendra jamais.


Plus intéressant, même si le film finit par tomber dans le manichéisme en abandonnant les explications sociales abordées au début, Enragé prend d'abord à contre-courant la tendance à la déresponsabilisation des individus qui constant le problème et ne regardent jamais leur propre contribution en montrant que oui, Rachel était initialement en tort et que oui elle avait tendance à toujours voir la faute sur le voisin (comme d'ailleurs le fou furieux qui la pourchasse malgré les leçons qu'il donne). Il y a donc un cercle vicieux de la violence et du stress social qui s'entretient par un repli sur soi qui rejette en sus le réel et notamment ses propres fautes. Enragé est donc en quelques sorte un roman de passage à l'âge d'adulte pour des adultes qui sont encore au fond des adolescents. Certains n'aimeront pas ce genre de leçons mais personnellement je suis également contre la tendance victimaire et déresponsabilisée de individus qui attendent que la société change pour eux.


Ceci étant dit, le film ne rejette pas totalement la faute sur les individus en présentant lucidement une situation qui n'est pas sans rappeler celle de la France, surtout avec les faits divers récents et de nombreux d'ébats d'actualité concernant la société qui va à toute vitesse, les crises économiques qui mènent à une pression voire à des troubles mentaux, la société de l'image, l'érosion des services publics, etc. Sur ce point, Enragé est un film qui tape dans le mille et présente une réalité ressentie et au moins partiellement réelle à l'écran (bien sûr il ne s'agit pas ici d'un film analytique ni d'un documentaire).


Si toute cette justesse bien d'actualité et les nombreux détails apportés pour dresser un tableau, certes qui fait un peu sport de sécurité routière et de civilité mais sans que ce soit vraiment exagéré, le récit du film en lui-même tombe étonnamment dans le nanar assez surréaliste et forcé. Pourtant, le film commençait de façon assez soft avec une altercation réaliste puis se transforme en horreur urbaine avec des personnages crédules (mon dieu l'avocat), des situations improbables et des situations assez grasses. Le mec agressif sombre dans la caricature du méchant de film d'horreur et on retombe ainsi dans tous les clichés de la mère et de son fils, des personnages qui foncent tout droit dans la gueule du loup et de la violence grasse qui en fait juste trop. Et c'est dommage parce qu'au delà de cela on ressort bien de la séance, grâce au début et à la fin, avec la satisfaction d'avoir vu un film qui met des images simples sur nos angoisses sociétales de la vie de tous les jours (plutôt que des délires sur les aliens, etc.) mais avec tout de même l'amertume d'avoir eu pour développement narratif un nanar bien gras vu et revu. Heureusement, le charme "comique-malgré-lui" du nanar aide à faire passer la pilule.


A défaut d'être un bon film, une expérience qui vaut le détour donc pour le sujet traité et le méta-développement qui va avec sous réserve d'accepter de se coltiner un nanar régressif au milieu. Je reste sur le 5 malgré tout, en étant lucide le film se cantonne à 10-15 minutes de justesse pour 1H15 de nanar déjà vu, sans rien qui ne force non plus véritablement l'admiration. Un 5.5/10 dira-t-on.

Foulcher
5
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le 24 août 2020

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Foulcher

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