On peut tenter de rapprocher l’intention derrière l’exercice grossier de Derrick Borte à celle d’un film tel que Paranoïa (2018) de Steven Soderbergh. Celui-ci montre son film comme un cauchemar qui menace toute femme en situation de fragilité. La spectatrice est directement prise à parti : ayez peur, ça peut vous arriver demain avec quelqu'un qui vous a connu, et dans la solitude personne ne vous entendra crier. Ici le sujet d’actualité s’arrête à l’usage des tablettes et des téléphones modernes (et de Fortnite). L’incivilité est certes un sujet d’actualité, mais ce n’est que l’élément déclencheur.
Dans Enragé, il est aussi beaucoup plus difficile de se sentir menacé. Les agissements du tueur sont en permanence réalisés au grand jour, sans construction de véritable sentiment de solitude. On ne sent pas vraiment la logique de duel qui fait les meilleurs instants d’un slasher. On peut excuser les personnages principaux et leurs décisions en permanence discutables par la panique, mais cela ne les rend pas moins antipathiques. Drôle d’idée de nous faire suivre ces personnages terriblement superficiels. On n’a certes pas besoin d’être un être exceptionnel pour devenir la proie d’un fou furieux, mais donner des qualités aux victimes permet de renforcer notre empathie pour eux.
Car le seul qui dispose de deux lignes d’écriture c’est finalement le tueur et sa scène d’introduction. La mère et l’enfant sont si ennuyeux qu’on en viendrait presque à apprécier ce gros bonhomme plein de ressentiment. Il n’est malheureusement qu’une source de violences primaire. En l’absence de véritables personnages principaux, la psychologie du tueur est le premier élément qui doit être soulevé dans ce genre de fiction. Et il est ici absent. C’est simplement un perdant en colère. Montrer sa vie quotidienne, sa normalité avant qu’il devienne fou et faire un parallèle avec la petite famille qui vit aussi des épreuves quotidiennes dans la situation initiale aurait pu être intéressant. Mais rien n’est soulevé, tout est prétexte à réaliser des exécutions violentes et souvent sans impact réel.
La mise en scène étant absente du film, impossible de se consoler sur un plan ou une scène qui pourrait apparaître marquante. Le montage mécanique et impatient ne nous permet pas de mettre de l’importance sur une quelconque image.
On pourra peut-être sauver les scènes d’impact et de violence, tournées avec efficacité, mais malheureusement vaines puisque vides d’une quelconque tension. On est loin de la folie furieuse du protagoniste des Nerfs à Vifs ou encore de J’ai rencontré le diable.
Saluons tout de même l’humour du metteur en scène qui à la façon du policier de la dernière scène nous invite à oublier le plus vite possible ce long-métrage pitoyable : « C’est bon Madame, vous pouvez partir. »