Dois-je le regarder comme un film normal ?

Dois-je vous parler d'Eraserhead comme d'un film normal ?

Non, certainement pas, parce que ce n'est est pas un.
Néanmoins, je vais quand même vous raconter MON Eraserhead. Et la courte lecture de ce qui en est écrit sur ce site confirme toutes les discussions ou toutes les critiques jamais lue au sujet de cet OFNI.
Eraserhead, premier film d'un jeune diplômé de fac de cinoche est un objet barré, glauque, improbable, surprenant, visuellement et auditivement hallucinant, oui, tout cela est vrai, et a été écrit des milliers de fois.

Mon approche sera cependant ici différente. Elle ne remet nullement en cause tout ce qui a été évoqué plus haut. Mais il manque une dimension essentielle, à mon sens, sur ce qu'est l'oeuvre de David Lynch, et cette dimension est aussi pourquoi j'aime si passionnément sa filmographie sans jamais y voire d'intellectualisme pédant ou d'esbroufe je-m'en-foutiste qui lui est si régulièrement reproché.

Cette dimension est double. Il y a une part de poésie -pure, inexplicable, viscérale- mais surtout, surtout !! ... (roulements de tambours...) de l'humour.

Eraserhead est pour moi un des films les plus drôles qui m'ait été donné de voir.
Ce qui précède n'est pas une bravade, le résultat d'un sens de la provoc qui doublerait celle du film.
C'est juste fondamentalement ce que je ressens AUSSI (en plus des adjectifs évoqués plus haut) en regardant ce premier film de Lynch.

Comment ? Pourquoi ? A quel moment ?
Plusieurs scènes illustrent ce que j'avance.
D'abord, le héros. Comment interpréter cette coupe de cheveux improbable qu'il arbore tout au long d'un récit oppressant au coeur d'un décor tout droit sorti d'un esprit dérangé ? Sa façon d'attendre l'ascenseur les cheveux dressés sur la tête est on ne peut plus drôle et donne une autre façon d'arborer le film.
La scène du repas est en tout point exemplaire. La question "dois-je le découper comme un poulet normal ?" (en VO, bien entendu) est une des scènes les plus hilarantes qu'il m'ait été donné de voir. Vraiment. Sans pédanterie ou recherche de distanciation.
L'apparition de la créature du radiateur est aussi assez fun, dans son genre.
Le tempo du film, enfin, est de nature à provoquer chez moi une franche bonne humeur, par son aspect décalé.
Les interview de Lynch que j'ai vu ou lu m'ont d'ailleurs confirmé cette impression première (j'ai vu Eraserhead la première fois alors qu'il en était à Dune, soit son troisième film). L'humour fait aussi partie de la conception qu'a Lynch de ses films.

Et c'est sous cet angle -l'humour décalé et zarb- que je regarde les films de Lynch et que je les aime si intuitivement (car il faut aussi de l'intuition pour aimer son cinéma), associé à la peur viscérale (la première demi-heure de Lost Highway est pour moi une des plus effrayante demi-heure cinématographique que je connaisse) et/ou la poésie de l'étrange (Blue Velvet, Mullholland Drive).
Et c'est d'ailleurs aussi pourquoi j'ai si peu goûté Inland Empire: car pour la première fois, je n'ai senti aucun humour mais presque que de la prétention (Il faudra d'ailleurs que je ré-essaie de le voir).

Bref, revenons à nos vers des sables: Eraserhead est un des plus grands films comiques de mon panthéon.
Entre autre.
Car c'est aussi bien d'autres choses.
guyness

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90
9

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