Un monde où Street Fighter II existe n'est pas (totalement) pourri

2025 manquait sans doute d'un peu de folie. Li Yang semble s'être imposé comme mission d'y remédier.

Mais il ne s'agit pas que de folie, avec Escape From 21st Century. Il s'agit aussi d'énergie, d'inventivité, d'hybridation permanente et d'une certaine idée de l'insensé.

Il ne s'agit pas que d'une seule façade portée par une hype démesurée et un studio en pleine course à la statuette dorée, comme avec la déception (du moins, pour le masqué) que constituait Everything Everywhere All at Once, dont l'accueil bienveillant relève toujours du mystère. Alors même qu'il s'agissait, en 2022, de noyer un pseudo drama Sundance compatible avec du cool d'apparat, dont le geste le plus malaisant, mais punk (parce que c'était whaou jamais vu) consistait à s'enfoncer une lampe dans le fondement pour se diluer dans un multivers à peine exploité.

Escape From 21st Century, c'est ce que Everything Everywhere All at Once aurait dû être, débordant et généreux tout en se montrant touchant et resserré : le film ne dure qu'une heure trente-huit, contre les deux heures vingt de son aîné. L'oeuvre n'a donc jamais le temps de lasser ou de lessiver totalement son spectateur.

Au contraire, il le maintient constamment en plein émerveillement, voire sidération, devant le nombre d'idées foutraques à la minute défilant à l'écran, ou la frénésie déployée par le cerveau pour le moins fécond de Li Yang.

Et si les règles de son voyage dans le temps sont parfois suivies de manière aléatoire, il s'agit du seul véritable défaut du film qui continue à enquiller les scènes parmi les plus inoubliables de l'année ciné 2025. Voir cette suspension du temps, en totale apesanteur, sur les notes de Here's to You et la voix de Joan Baez, ou encore cette course entre les ruines rythmée par la puissance galvanisante de Bonnie Tyler et de Holding Out for a Hero suffit à comprendre à quel point Everything Everywhere All at Oncene relève finalement que d'une hype ponctuelle bien vite oubliée.

Escape From 21st Century met sa folie au service tant d'une peinture désenchantée de la société chinoise que d'un portrait d'une génération et de ses illusions perdues que le film ne cessera de prendre par le colbac et de secouer. Et si ses personnages ne sont pas tous attachants, Escape From 21st Century surmonte cette tare par l'acuité de son observation et les sentiments qu'il met en scène, parfois maladroits mais toujours sincère.

Cette folie douce revigorante, cette mélancolie tenace, tout cela synthétise ce que devrait être n'importe quelle expérience cinéma : vivre et ressentir.

Li Yang a manifestement tout compris.

Behind_the_Mask, qui ne prêtera plus jamais sa sainte cartouche de Street Fighter II