Il y a un mois, dans la bourgade américaine de Maybrook, à 2 heures 17 minutes, 17 enfants d’une même classe se sont levés et sont partis en « Naruto run » par la porte avant, laissant leurs parents et la police dans une incompréhension des plus frustrantes.
Et c’est tout ce que quiconque devrait savoir avant d’aller voir « Weapons », car ce mystère constitue une bonne partie du sel. « Ils sont passés où, les gamins ? » est une question presque aussi engageante que celle posée en 99 : « What’s the Matrix ? ». Et dans le cas présent, la réponse de Morpheus fonctionne encore : « You have to see it for yourself. »
Comment, dès lors, écrire une critique sans émousser l’intérêt ? Y a-t-il seulement un intérêt à écrire une critique qui dépasse le « Sur ma bonne foi, vas-y ! »… Pas certain. Mais bon, comme je ne publie pas mes critiques sur bonnefoi.com, je vais quand même essayer. Pour les autres, ceux qui me croient sur parole, que faites-vous encore ici ?
C’est donc un jeudi soir, dans une salle bondée par le bouche-à-oreille dithyrambique, que j’ai assisté à la projection du nouveau film de Zach Cregger. Son film précédent, « Barbarian », ne m’avait que partiellement convaincu, la faute sans doute à un virage de trop dans son scénario labyrinthique fait de faux-semblants (oui, Justin Long, c’est vers toi que je regarde). Mais j’avais apprécié l’aptitude du bonhomme à mettre en image le suspense.
Le scénario de son nouveau film est tout aussi labyrinthique, tout autant fait de fausses pistes, mais il a bien mieux fonctionné sur moi. Peut-être que ce qui se développait était plus à mon goût, ou bien l’humour dont il fait preuve tout du long est-il salvateur ? Qui sas, qui sas, qui sas?
Je célèbre donc bizarrement ici sa temporalité éclatée et ses fausses pistes qui, dans d’autres circonstances ou dans un film simplement moins réussi, m’auraient saoulé grave.
Je pense qu’une des choses qui permet au film de tenir admirablement la route, malgré la multiplicité des personnages principaux, est qu’il évite de tomber dans l’effet Rashomon. Il n’y a qu’un point de vue dans « Weapons », et c’est celui de Cregger.
Il livre ici un film à la fois singulier dans son traitement et extrêmement abordable pour le grand public, qui ne repose pas sur des effets de manche mais sur une maîtrise du cadre, du rythme et de la coupe. Il n’affiche aucune volonté d’« elevated horror » (si ça veut encore dire quelque chose). Il crée le frisson par l’attente, en nous plaçant au plus près du personnage que nous suivons. Il est simple, frontal, honnête.